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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Projet de Loi portant sur la réforme des retraites
séance publique le 06 octobre 2010

Rejet d’une motion référendaire
Article unique

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à plusieurs reprises, dans cette enceinte, a été évoquée la promesse électorale du candidat Nicolas Sarkozy, qui déclarait, en janvier 2007, qu’il ne toucherait pas à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Devenu Président de la République, il avait même réaffirmé devant Mme Parisot, montrant que pour quelques semaines encore il tenait son engagement, qu’il n’y toucherait pas. Le respect du mandat, « cela compte pour moi », avait-il déclaré.

Cette déclaration pose deux questions. La première n’a pas encore été évoquée dans cet hémicycle. Bien entendu, il n’y a pas de mandat impératif. Un président de la République peut s’engager solennellement sur un sujet et, au vu d’une situation inédite, imprévue, être amené à prendre d’autres décisions. En France, on n’avait jamais parlé du trou des retraites. Le Président de la République, soudain contraint de trouver de l’argent, s’est alors dit que le report de l’âge légal de départ à la retraite pouvait être la solution.

On peut entendre de tels changements, même s’ils sont quelque peu surprenants. Mais alors, pourquoi avez-vous donné un tel ton au débat depuis plusieurs mois ? Si même M. Nicolas Sarkozy, soutenu par M. Woerth et par l’UMP, pensait qu’on ne pouvait pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, c’est que son maintien n’est pas une hérésie, une folie socialiste qui ferait couler la nation et la retraite par répartition, c’est que l’idée pouvait être mise sur la table et qu’il existe d’autres solutions.

Je le souligne, parce que les commentateurs se sont parfois laissés prendre par le matraquage : oui, il existe d’autres solutions, bien que vous affirmiez, contrariant ainsi une idée qui a été défendue par l’actuel Président de la République, que l’on ne peut que de jouer sur l’âge légal ! Vous soutenez que le mandat n’est pas impératif. Même si l’on vous prenait au mot, vous devriez vous expliquer sur ce sujet.

Que s’est-il donc passé ? Pourquoi ne pas avoir cherché d’autres sources de financements ? Vous ne l’avez pas fait, parce que vous êtes prisonniers de ceux pour qui vous voulez aujourd’hui gouverner contre vents et marées, contre la majorité des Français, à savoir ceux qui détiennent le capital, ceux qui appartiennent à vos cercles de financement ! Dès lors, vous perdez tout réalisme. Vous êtes contraints, si vous n’allez pas chercher une contribution du côté du capital, de la trouver du côté des salariés et des retraités.

Et M. Woerth ose nous dire, du haut de cette tribune, que les Français savent qu’il faut faire un effort ! Les Français savent, bien sûr, qu’un effort est nécessaire. La plupart d’entre eux savent, depuis qu’ils sont nés, que pour gagner leur vie, joindre les deux bouts, il faut faire des efforts. Et c’est vrai aujourd’hui encore plus qu’hier ! Et on vient leur dire qu’ils doivent faire un effort supplémentaire pour les retraites, alors que les bonus et les stock-options continuent d’être distribués, que les banques sont réapprovisionnées sur l’argent du contribuable sans contrepartie ! Pour les Français, c’est scandaleux et révoltant !

Je tiens à rappeler que, sur les 14 millions de retraités que compte notre pays, quatre millions vivent avec moins de 900 euros par mois, seuil de pauvreté retenu par l’Union européenne. Ces Français, ils ne font pas d’efforts ?

Dans la tranche supérieure, située à peine en dessous de 1 100 euros, on compte encore quelques millions de retraités. Ces Français, ils ne font pas d’efforts ?

Par ailleurs, en relevant l’âge de départ à la retraite, le niveau des pensions, déjà très bas, va automatiquement baisser.

Nous pouvons en faire la démonstration économique.

J’en viens à la seconde question que soulève la déclaration de Nicolas Sarkozy.

Certes, il n’y a pas de mandat impératif. Mais lorsque le Président de la République, après avoir pris, devant les Français, l’engagement de ne pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, revient sur sa position, ce qui devient impératif, c’est d’instaurer un dialogue social, d’écouter ceux qui expriment leur désaccord. Lorsque François Mitterrand est devenu Président de la République, trois mois après son élection, il a fait voter à l’Assemblée nationale des dispositions concrétisant les engagements qu’il avait pris durant sa campagne.

Heureusement, nous avons des responsables syndicaux comme on en trouve peu dans le monde. Ils ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités, malgré l’ampleur de l’attaque qu’ils subissaient. Ils ont su garder leur sang-froid jusqu’à la limite de ce qu’il est possible de supporter pour un syndicaliste lorsqu’il est attaqué sur un point fondamental de notre pacte social. MM. Chérèque et Thibault disent eux-mêmes qu’il n’y a jamais eu de négociation, ni même de réelle concertation.

Le Gouvernement a déposé son texte au début de l’été, pendant les vacances ; on pouvait s’attendre à ce qu’il laisse le Parlement s’exprimer. Or, à l’Assemblée nationale, le débat a été écourté. Il est donc de la responsabilité du Sénat de sauver la parole démocratique, la confiance du peuple envers sa représentation nationale. Comme l’a souligné Jean-Pierre Bel, c’est au Sénat que revient l’honneur de relever ce défi.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, essayez d’être à la hauteur de l’honneur qui nous est fait dans cet hémicycle.

Les journalistes ne sont pas les seuls à s’interroger sur la radicalisation du mouvement, sur la tension sociale. Je le dis ici avec solennité : la façon de gouverner de Nicolas Sarkozy n’est plus viable pour notre pays. Lorsque l’on pousse les gens à bout, lorsqu’on les méprise à ce point, on prend la responsabilité de provoquer un conflit social majeur et de casser la paix sociale !

Afin d’éviter d’en arriver là, il faut voter la motion référendaire et rejeter la réforme des retraites proposée par le Gouvernement !