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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Projet de Loi portant sur la réforme des retraites
séance publique le 22 octobre 2010
Procédure accélérée –  Explication de vote sur les articles additionnels
Vote unique

Monsieur le censeur, avec ce vote bloqué, vous nous demandez de valider le coup de force que vous avez mis en œuvre sur injonction de l’Élysée.

On va voter sur tout, sauf sur les amendements de l’opposition. Drôle d’exercice démocratique que de devoir choisir entre le oui et le oui !

Par-delà ce coup de force pour raccourcir les débats, après avoir refusé une négociation avec les syndicats et écourté le débat de l’Assemblée nationale, vous avez voulu par là même éviter que nous ne défendions nos propositions, car l’enjeu était pour vous d’importance !

Toute votre communication a été fondée sur le fait qu’il n’y avait qu’une réforme possible. Certains d’entre vous ont même concédé qu’elle était peut-être un peu injuste. Mais le monde est dur et nous n’avons pas le choix, avez-vous rétorqué ! Vous misiez sur la résignation des Français. Si un projet alternatif se découvrait, toute votre stratégie se déconstruisait.

Dès le début du débat, vous avez donc mis fin au projet alternatif que nous avons décliné au travers des amendements tendant à insérer des articles additionnels en repoussant leur examen jusqu’après l’article 33. Hier, vous nous avez dit : trop, c’est trop ! Et vous avez improvisé un prétendu scénario. Mais tout était prévu dès le début de nos débats !

Dès le début, vous aviez décidé de ne jamais discuter ces amendements, et vous avez masqué votre position pour duper l’opinion, avec pour seul credo : le Sénat va prendre le temps de débattre !

Nous sommes calmes et sereins. Mais votre fébrilité est omniprésente ! C’est la fébrilité du Président de la République ! Vous ne pouvez pas vous empêcher ce coup de force !

À l’injustice ressentie par nos compatriotes, qui ne désarment pas à l’égard de cette réforme, se greffe, dans notre pays, une colère immense provoquée par votre façon de gouverner ! Peut-on continuer à gouverner quand on monte les Français les uns contre les autres à propos d’une réforme fondamentale pour le lien social, le pacte social ? Peut-on continuer à gouverner sans tenir compte de l’opinion publique ?

Depuis un mois et demi, sept Français sur dix, voire huit sur dix – la proportion a augmenté, ils n’étaient que six sur dix à l’annonce de la réforme ! – sont contre cette réforme et les cinq journées d’action, dont le succès ne s’est pas démenti, ont montré que celle-ci n’était pas soutenue par la nation.

Monsieur le ministre, nous avions une contre-réforme, et nous l’avons toujours ! Vous ne gagnerez pas avec votre coup de force. Quoi qu’il advienne du vote, nous continuerons à dire qu’il n’y a pas qu’une solution pour réformer durablement les retraites ! Prenez d’abord la peine de les financer et trouvez les 45 milliards d’euros d’ici à 2025 !

Il n’y a pas d’autre solution que de le faire en répartissant équitablement l’effort, de manière que les revenus du capital puissent enfin contribuer à l’équilibre financier, alors que 90 % des financements que vous trouvez sont dans les revenus du salariat.

Nous avons fait, à travers nos amendements, des propositions détaillées, notamment en ce qui concerne les jeunes. Il était important que les jeunes entendent les discussions sur nos propositions alternatives. Mais vous n’avez pas voulu que nous les défendions !

Nous avons fait des propositions pour l’égalité homme-femme ! Nous avons fait des propositions sur la pénibilité ! Nous avons fait des propositions sur l’emploi des seniors ! Vous avez refusé que tout cela puisse avoir droit de cité, que l’on puisse en délibérer !

Ainsi, comme l’a dit Christiane Demontès et pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas nous associer à cette mascarade qui nous empêche même de nous prononcer sur les amendements de nos collègues que vous avez retenus. Nous voterons donc contre ce paquet d’amendements, contre la censure !

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Vous avez dit aux Français qu’il était urgent de sauver le système de retraite par répartition et qu’une grande réforme était nécessaire pour assurer aux enfants d’aujourd’hui leurs retraites de demain. C’est ainsi que vous avez d’emblée mis en scène le débat.

Et puis, dans la nuit de mercredi à jeudi, nous avons connu un grand moment de vérité dans l’hémicycle, pour ne pas dire que nous avons entendu un aveu ! Au détour d’un amendement, on apprenait finalement que, même avec cette réforme, nous allions tout droit à la banqueroute du système et que beaucoup trop d’injustices allaient perdurer.

M. Arthuis et M. Longuet ont plaidé en ce sens avec beaucoup de conviction.

En attendant, vous nous proposiez, dès 2013, de nous atteler à la vraie réforme capable de sauver notre système de retraite par répartition.

En attendant, des millions de salariés, ceux qui ont déjà le moins, ceux qui ont commencé à « trimer » très jeunes, qui ont travaillé le plus dur, la nuit, ceux qui ont été exposés aux produits toxiques, ceux qui ont été soumis à un stress permanent, tous ceux-là devront payer le déficit actuel, tandis que les revenus du capital, les bonus, les stock-options, mais aussi les banques, que ces mêmes salariés ont sauvées il n’y a pas si longtemps avec leurs impôts, devraient être exemptés de cet effort !

Les quatre millions de nos concitoyens retraités qui touchent autour de 900 euros par mois, soit le seuil de pauvreté admis par l’Union européenne, et les cinq millions dont la pension est inférieure à 1100 euros mensuels, dont le niveau de pension a baissé de 20 % depuis 2002, verront celui-ci décroître encore avec votre réforme.

Vous avez donc menti aux Français.

Vous leur avez menti, d’abord, en disant, au moment de l’élection, que vous ne toucheriez pas à la retraite à 60 ans et en faisant le contraire trois ans plus tard.

Vous leur avez menti, ensuite, quand vous avez dit que vous engageriez une grande négociation sur cette question essentielle. De négociation, il n’y en a point eu.

Vous aviez dit aussi qu’un débat national aurait lieu, par le truchement de la représentation parlementaire.

Vous l’avez écourté.

Vous aviez promis une grande loi, une grande réforme, et vous avez accouché aux forceps d’une petite loi, qui met le feu au pays et ne garantit en rien la pérennité de notre système de retraite par répartition, qui brise notre cohésion sociale et la solidarité nationale, et qui est aujourd’hui rejetée par une grande majorité des Français.

Votre maître, à l’Élysée, veut incarner la force. C’est son obsession. En réalité, il n’incarne que la fébrilité. La seule force vraie, à laquelle ont adhéré les Français et à laquelle ils adhéreront encore demain, c’est la force tranquille, qui rassemble notre peuple pour réformer dans un esprit de justice.