SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
séance publique le 27 novembre 2009
Projet de loi de finance 2010 – bugdet médias

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

C’est l’ensemble du système d’aides publiques à la presse qui doit être refondé autour d’une stratégie claire, cohérente et mobilisatrice. Ce secteur n’attend plus une nouvelle mise sous perfusion, il réclame une cohérence d’ensemble, une vision pour l’avenir. La seule stratégie que j’ai pu relever dans les discours du chef de l’État, c’est l’exigence de rentabilité des entreprises de presse, avec les traditionnels plans sociaux pour combattre l’inefficience des coûts et le recours à la concentration comme solution miracle à la sous-capitalisation du secteur. Une stratégie viable pour la presse, c’est une stratégie qui mise sur une information de qualité, qui nourrit le débat citoyen d’une analyse critique, libre et indépendante. Cela ne se limite pas à la réduction des effectifs, mais suppose d’investir dans le développement de compétences nouvelles pour renouveler l’offre éditoriale. Mon diagnostic est qu’il ne s’agit pas seulement de réduire les coûts, mais de regagner un électorat.

Certains éditeurs souhaitent que le moratoire de 2009 sur les accords État-Presse-La Poste, qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs du transport postal, soit reconduit en 2010 pour six mois ou un an. Les supports dont les ventes s’appuient sur l’abonnement postal, comme la presse magazine et la presse spécialisée, sont les premiers à réclamer cette prolongation. Les éditeurs de la presse quotidienne nationale veulent, quant à eux, préserver la crédibilité des accords Schwartz entre l’État, la presse et La Poste. Étant donné les difficultés rencontrées par la presse pour sa diffusion, j’estime indispensable de prolonger le moratoire pour six mois en 2010. Monsieur le ministre, où en sont les discussions sur ce sujet ?

L’augmentation de 7 à 9 millions d’euros de l’aide destinée aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires me semble très insuffisante. Il faut soutenir ces quelques journaux d’opinion, comme L’Humanité, qui suscitent peu l’intérêt des investisseurs privés ou des annonceurs mais sont indispensables au pluralisme de la presse. Une stratégie cohérente supposerait de cibler les aides publiques au profit de cette presse citoyenne. Votre prédécesseur avait annoncé que ce fonds serait doublé en 2009 afin de répondre à la détresse financière des titres les plus faibles. Qu’est-il advenu de cette promesse ? Si ce fonds a doublé, pourquoi cela ne se traduit-il pas dans ce budget, alors que l’effondrement du marché publicitaire se poursuit ? A l’évidence, il y a un manque de cohérence que des annonces non suivies d’effet peinent à dissimuler…

La reconnaissance juridique des rédactions serait le rempart le plus efficace contre les effets pervers des concentrations.

En ce qui concerne la modernisation, l’augmentation du fonds d’aide au développement des services de presse en ligne ne suffira pas. Un statut d’éditeur de presse en ligne a été inscrit dans la loi Hadopi I : allons au bout de la logique, demandons à Bruxelles un alignement du taux de TVA de la presse numérique sur celui de la presse imprimée. Cela sera plus légitime qu’une application du taux réduit de TVA dans la restauration !

J’ai inclus dans mon rapport des éléments sur le devenir de l’Agence France-Presse. Le défaut de stratégie est préoccupant : la rentabilité ne saurait conduire à la remise en cause d’un statut qui a permis à l’AFP d’asseoir durablement sa renommée internationale. Les performances financières récentes de l’AFP sont bonnes, pourquoi modifier le statut ! La direction avance deux arguments. L’État accepterait d’intervenir mais souhaiterait en échange pouvoir peser sur les décisions de gestion. Or, l’agence exerce certaines missions de service public mais n’a pas à devenir une agence d’État ! Selon la direction, l’AFP aurait besoin d’une dotation de 65 millions d’euros, 45 en capitaux propres et 20 en autorisations d’endettement, pour mener à bien sa politique de développement. Or l’intersyndicale a souligné la rentabilité très incertaine des acquisitions menées jusqu’ici ; elle ne veut pas que l’agence s’éloigne de son coeur de métier. Monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir le financement des missions d’intérêt général -rayonnement international, francophonie, couverture géographique et linguistique exhaustive ? Comment comptez-vous répondre aux inquiétudes du personnel sur les risques d’étatisation ou de privatisation ? L’indépendance rédactionnelle doit constituer un principe de gouvernance.

Étant donné les réserves que j’ai émises, je serai personnellement défavorable à l’adoption des crédits du programme « Presse » de la mission « Médias ». La commission de la culture a donné, elle, un avis favorable à l’adoption des crédits.