Le 9 décembre 2021 était examinée la proposition de loi sur la commémoration de la répression d’Algériens qui s’est déroulée à Paris le 17 octobre 1961 et les jours suivants. Ce combat que je mène depuis de nombreuses années maintenant me tiens particulièrement à coeur. J’ai donc déposé, avec mes collègues Rachid Temal, Hussein Bourgi et Jean-Marc Todeschini, une proposition de loi afin de reconnaitre ce massacre et le commémorer.
Voici le texte de mon intervention :
« Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour moi, ce débat vient de loin, car ce fut l’un de mes premiers engagements de jeunesse. Depuis quarante ans, je mène ce combat en tant qu’historien et militant de la mémoire. Je salue, à ce titre, la présence en tribune de Samia Messaoudi, de l’association « Au nom de la mémoire ».
Dans un premier temps, essayons de reconnaître les faits. Voilà quarante ans, nous étions déjà loin de la guerre d’Algérie, mais le communiqué officiel faisant état de trois morts était la seule source officielle de reconnaissance.
Dans ces conditions, le travail fut considérable pour chercher, alerter, et pour que des médias, des intellectuels et des universitaires s’emparent plus fortement de ce sujet. Je suis allé regarder les premières archives officielles à la fin des années 1990, au Parquet de Paris, qui montraient que plusieurs dizaines de corps avaient été repêchés dans la Seine – certains avaient même dérivé jusqu’à Rouen dans les jours qui suivirent. Ce travail historique a été mené, et plus personne ne conteste ces faits.
Le bilan officiel de la manifestation doit interpeller ceux qui veulent le remettre en cause, même dans cet hémicycle. Dans cette manifestation de 20 000 personnes, on n’avait même pas le droit d’avoir une épingle à cheveux dans la poche !M. Neuf policiers blessés, 13 000 arrestations, des dizaines de morts parmi les manifestants. Aujourd’hui, ce serait impossible !
La question qui nous est posée est la suivante : y a-t-il une responsabilité de l’État ? Je ne veux pas insulter les policiers massivement déployés pour arrêter 13 000 personnes : on ne saurait se défausser sur eux à ce point. Non, je pense aux responsables, et à l’appareil d’État, dont l’organisation était très structurée pour mener à bien une telle opération. Quant au préfet de police, il avait déjà fait ses preuves sous le gouvernement de Vichy pour la déportation des juifs à Bordeaux.
Ceux qui soutiennent encore dans cet hémicycle que la gauche a trahi la France sont les mêmes négateurs de l’Histoire que ceux qui portaient une accusation similaire contre Léon Blum lors du procès de Riom. J’appelle à la réflexion sur ce point !
Il aura fallu attendre des dizaines d’années avant que Jacques Chirac prononce son merveilleux discours reconnaissant la responsabilité de la France. Aujourd’hui, pourquoi nier la réalité ? Comment peut-on soutenir que Papon était seul ? Comment une telle chose – des dizaines de morts et 13 000 arrestations ! – a-t-elle pu se produire au cœur de Paris, près du Grand Rex, des cinémas, des restaurants, des grands magasins ouverts sur les boulevards ?
Que dire aujourd’hui, sinon que l’on reconnaît la responsabilité de la France et qu’il s’agit d’un crime d’État ? Nous devons assumer nos responsabilités, et ne pas nous défausser en invoquant une prétendue bavure.
Reconnaissons les faits pour apaiser les mémoires ! C’est un préalable nécessaire à un avenir en commun. Toutes les mémoires de la guerre d’Algérie doivent être respectées.
Demain, nous n’évoquerons pas le 17 octobre lorsque nous parlerons des harkis, car ces derniers méritent notre respect ! »
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