« Madame la Ministre,
Monsieur/Madame le/la Président/e,
Mes chers.ères collègues,
Alors que tous les programmes liés au Ministère de la culture sont en hausse, et je le salue, seule la mission avance à l’audiovisuel public perd de sa dotation, et c’est pourquoi nous voterons contre la mission.
Comme souvent, il y a les mots, les mots et puis… et puis il y a le budget…
Il y a les éloges pour le service public de l’audiovisuel, ses missions essentielles pour la citoyenneté et les valeurs de la République, pour l’exigence et la diversité culturelle, pour son rôle éducatif conforté dans la crise sanitaire inédite que nous traversons, et puis et puis… il y a la baisse de son budget qui continue, en particulier pour France Télévision et Radio France, c’est-à-dire la baisse des moyens qui permettent, à force d’innovation et de qualité des personnels, de faire face, pas seulement à cette crise qui nous l’espérons est conjoncturelle, mais à une concurrence qui n’est plus uniquement celle du privé, mais qui est celle de géants du Net qui à eux seuls ont la puissance financière d’États et de Nations riches.
Je le dis franchement, vous avez abandonné toute ambition pour le service public de l’Audiovisuel, pas seulement en baissant son budget alors que les recettes publicitaires manquent à cause de la pandémie, mais parce que dans le même temps vous avez abandonné la grande réforme annoncée de l’audiovisuel et celle de la « redevance » qu’en plus vous continuez à baisser par rapport à l’augmentation du coût de la vie. Vous le faites alors que les états européens qui nous entourent non seulement ont fait la réforme de la redevance, devenue ainsi universelle, mais perçoivent un montant nettement supérieur au nôtre : +180E au Danemark, +78E en Allemagne, +38E en Grande-Bretagne, quand vous vous mégotez pour 1 ou 2 euros qui vaudraient 30 ou 60 millions d’euros supplémentaires directement affectés au financement de notre audiovisuel public.
C’est ainsi que vous remerciez les résultats d’audience remarquables et la qualité des programmes de plus en plus remarqués de Radio France et France Télévision qui ont réalisé pourtant tant de sacrifices et d’efforts en matière d’économie depuis plus de 5 ans.
Oui, ces baisses ne sont pas nouvelles, c’est une trajectoire budgétaire que votre gouvernement a imposée depuis plusieurs années et que vous allez poursuivre froidement y compris dans les circonstances dramatiques d’aujourd’hui. En prenant en compte l’inflation, vous proposez que l’audiovisuel public connaisse une perte de 2,63% pour 2021 alors qu’elle était déjà de 3,36% en 2020.
Avec une telle trajectoire, même le niveau d’investissement dans la création préservé jusqu’à maintenant ne le sera plus demain, et déjà les émissions de flux, d’information, de sport, qui justifient plus que jamais la télévision en linéaire, sont rognées.
Après la fermeture de France O et celle programmée de France 4, vous continuez à affaiblir dans les faits notre audiovisuel public, çà c’est la réalité ! Avec des amis comme ce gouvernement, l’audiovisuel public n’a pas besoin d’ennemis.
Je veux maintenant aborder l’aide au cinéma. Le cinéma français continuait à enregistrer de bons résultats avant la crise sanitaire que nous vivons. En effet, avec une croissance de 18% à l’export en un an et le deuxième plus haut niveau de fréquentation des cinémas depuis 53 ans, en 2019 avec 213,3 millions d’entrées, tous les voyants étaient au vert.
Mais en 2020, sous les effets de la pandémie elle-même et des mesures sanitaires chaotiques qui ont été prises, le cinéma vit une situation dramatique avec une baisse de plus de 50% des fréquentations des salles de cinéma, le tout entraînant notamment des reports de films à plus ou moins grand budget.
Félicitons la réactivité du CNC pour la mise en place de nombreux systèmes d’aide et d’accompagnement dès le début du premier confinement : annulation de la taxe sur les entrées en salle, fonds de solidarités créés en partenariat avec la SACD et la SCAM, maintien des subventions aux festivals annulés ou encore soutien des différents acteurs qui font vivre la richesse de cette industrie, et les dispositifs mis en place pour le second confinement afin d’englober plus largement les acteurs pouvant en bénéficier.
Là, le gouvernement a agi en responsabilité, en témoigne le plan de relance dans ce domaine mais également le budget qui nous réunit aujourd’hui, avec une progression non négligeable des crédits liés au programme Livre et industries culturelles de 11,6 millions d’euros. Je vous demande tout de même par un amendement de ne pas oublier les radios associatives et locales.
Le système de financement de la création audiovisuelle que tant de pays nous envie est vertueux, il contribue fortement à faire rayonner l’exception culturelle française ! Continuons à le défendre ensemble, et pour cela il faut transposer sans continuer à perdre du temps les directives SMA et Droits d’Auteurs, comme le Sénat l’a permis dès le mois de Juillet.
J’en viens à la Presse déjà affaiblie depuis plusieurs années avec un changement de modèle à marche forcée. Là aussi je veux saluer les aides apportées sur le plan de relance ainsi que dans le programme “Presse et Médias”, en augmentation de 8 millions d’euros.
J’espère aussi que les pouvoirs publics vont s’investir plus pour peser dans les négociations ouvertes avec Google en particulier pour appliquer la loi dont je suis l’auteur sur les droits voisins en faveurs des éditeurs, et je le rappelle parce qu’elles sont souvent oubliées, des agences de presse. D’ailleurs j’espère aussi que mon amendement voté par le Sénat dans la partie recette visant à baisser la TVA des productions d’agences de presse de 10% à 5,5 ne soit pas annulée par l’AN et le gouvernement.
Mais à quoi bon une telle aide à la presse si c’est pour, parallèlement, la mettre sous contrôle dans la loi et même rendre la censure possible dans une circulaire du ministère de l’Intérieur. Le gouvernement attaque la liberté de la presse et le travail indépendant des journalistes pour nous informer et pas seulement avec l’article 24 de la loi « Sécurité Globale”.
En s’attaquant à la loi de 1881, au-delà de la presse, c’est la liberté d’expression de tous les citoyens dans notre pays qui est touchée, dont cette loi est au fondement.
Je ne pense d’ailleurs pas qu’il faille réécrire cet article qui fait l’unanimité de la profession contre lui mais nous devrons simplement le supprimer comme la Défenseure des droits, Claire Hédon l’a souhaité, ne le jugeant « pas acceptable » et « inutile ».
Madame la Ministre, oui à l’aide financière à la presse, non à sa mise en cage, même dorée !
Merci de votre attention. »