Séance du Conseil de Paris du 12 décembre 2011

Monsieur le Maire, Monsieur le Préfet de Police, mes chers collègues,

Le projet de budget spécial de la préfecture de police pour 2012 que nous examinons aujourd’hui, appelle un premier constat, qui du reste ne soulève aucune contestation : ce constat, c’est la croissance continue, depuis 2001, de la contribution de la collectivité parisienne, donc du contribuable parisien, au budget de la préfecture de police de Paris. La participation de la Ville, telle qu’elle est proposée par notre municipalité pour 2012, s’élève en effet à 284 millions d’euros, soit 5 millions de plus par rapport au budget spécial 2011 et 9 millions de plus au regard du budget 2010. A ce stade de mon intervention, il n’est pas inutile de se rappeler collectivement ce qu’était la participation de la ville au budget spécial de la PP avant l’élection en 2001 de la première municipalité de gauche à Paris : 187 millions d’après le compte administratif pour l’année 2000. Aussi, en un peu plus de 10 exercices budgétaires, la Gauche à Paris a augmenté la participation de la Ville à l’activité de la préfecture de police de près de 100 millions.

Pour 2012, la contribution de la Ville pèsera 44,14% du budget spécial. Avec une telle mobilisation du budget municipal qui finance essentiellement les ASP et la Brigade des sapeurs pompiers parisiens, notre majorité agit concrètement pour que l’Etat mette lui, tous ses moyens à assurer ses propres prérogatives régaliennes au service de la sécurité et de la tranquillité des Parisiens.

Permettez-nous, en contre partie, Mr le Préfet d’être exigeants. D’autant qu’en plus de cette aide budgétaire, nous assurons comme c’est normal, la sécurité directe de tous les espaces municipaux avec la DPP et le financement conséquent de l’action des Groupements Parisiens Inter-bailleurs de Sécurité, sans compter la création de la 9ème brigade de correspondants de nuit. A cela, nous devons ajouter notre action ambitieuse et volontariste en matière de prévention (30 millions). Vous voyez, mesdames et messieurs de la droite, pour nous, la sécurité, n’est pas un slogan ou un discours de posture, mais une nécessité essentielle pour la vie quotidienne dans nos quartiers parisiens qui nécessite des moyens concrets, et la mobilisation de tous : élus locaux, institutions publiques, associations et citoyens.

La sécurité de tous est une condition d’une pleine liberté de chacun. Et la liberté respectée pour chacun est une condition d’une sécurité assumée par tous. A ce titre nous sommes en droit de demander à l’Etat de la durée dans les moyens et de la continuité dans l’action.

C’est plus efficace que de légiférer sans cesse, dès qu’un drame vient soulever l’émotion légitime de l’opinion : 27 lois sur la sécurité depuis 2002 (13 entre 2002 et 2007, 14 depuis), alors que dans le même temps le gouvernement supprime 10 000 postes de policiers et de gendarmes. Mr Goujon, il ne faut pas forcément plus, mais il ne faut pas moins, et il faut mieux avec la police de proximité et la constance en lieu et place des opérations coup de poing sans lendemain et la politique du chiffre.

C’est aussi plus responsable que de mettre sans cesse en accusation la Justice, alors   qu’il faudrait lui donner les moyens, qu’elle n’a pas, d’assurer tout son rôle pour prévenir, punir, mais aussi pour que les victimes puissent obtenir réparation.

 Monsieur le préfet de police, les Parisiens, tous les Parisiens ont droit à la sécurité et à la tranquillité. Et je tiens à saluer le travail non seulement des pompiers mais aussi des policiers à Paris qui font un travail difficile et risqué.

Mais il faut bien constater, et vous le savez, que dans certains quartiers, les quartiers populaires, il y a un malaise, le sentiment d’impuissance de la puissance publique, le sentiment qu’en matière de sécurité on les abandonne.

Cela m’amène à m’interroger sur l’ordre de priorité de l’action des forces de police à Paris et sur leur mode d’action : au moment où le nombre de cambriolages est en hausse, au moment où les populations de plusieurs quartiers populaires subissent les désagréments de trafics ou de ventes sauvages à la sauvette, comment comprendre que la priorité, l’urgence à la préfecture de police est d’interdire la mendicité pour s’attaquer aux populations d’origine roumaine qui la pratiquent, alors même que l’Etat est loin de remplir ses obligations de mise à l’abri des mineurs isolés et d’hébergement d’urgence, ou d’intervenir par opération coups de poing là où c’est la présence continue et permanente d’une police de proximité, de gardiens de la paix comme ils portent si bien leur noms d’origine, qui peut être efficace tant pour prévenir que pour réprimer quand c’est nécessaire.

Nous avons à plusieurs reprises l’occasion de vous interroger sur la baisse réelle des effectifs policiers dans les arrondissements parisiens et sur leurs répartitions. Pour toute réponse, vous avez fini par donner un chiffre, un seul : 6.400 effectifs policiers parisiens. Rien sur les effectifs par arrondissement et par grade, rien sur leur évolution à la baisse constatée et à venir. Comment comprendre que vous n’arriviez pas à les communiquer aux élus Parisiens, nous ne voulons croire en l’incapacité de la préfecture de police de Paris à connaître ses effectifs réels.

Vous avez parlé des nouvelles contraintes budgétaires dans ce moment de crise, nous n’acceptons pas le principe selon lequel la responsabilité budgétaire serait contradictoire avec la sécurité des citoyens.

En réponse à la question d’actualité posée en novembre dernier par Daniel Vaillant, au nom du groupe socialiste radical de gauche et apparentés, vous parliez d’acuité des problèmes et des besoins de sécurité en Ile-de-France, vous qui mettiez la présence sur la voie publique au cœur de métier de l’action policière (avec les enquêtes judiciaires et l’accueil des victimes), vous disiez alors que les effectifs étant plus jeunes à Paris sont plus directement affectés par la baisse des recrutements, vous-même encore qui estimiez à 300 équivalents temps plein le recours aux heures supplémentaires dans l’agglomération parisienne, soit la reconnaissance d’un manque d’au moins 300 effectifs supplémentaires.

Monsieur le préfet, à Paris, insuffisance des effectifs et politique du chiffre  donnent le résultat  d’une délinquance à la hausse. D’abord en 2010, par rapport à 2009, et vous l’avez reconnu. Reprenons, pour éviter toute guerre des sources ou des chiffres, les chiffres de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales : à Paris, l’an dernier, les atteintes aux biens augmentent de +4,70% alors qu’elles stagnent dans la France entière (-0,90%). Parmi elles, les vols s’envolent à +8% et les cambriolages à +19,20%. Quant aux atteintes à l’intégrité physique, la hausse s’élève à +9,30% (France +2,50%), et parmi elles, les violences crapuleuses explosent à +25,50%. Ça, c’est pour 2010. Quant à 2011, vous avez parlé de baisse globale, mais nous savons tous que cette baisse globale des 1ers mois de 2011 cachent mal les hausses de la délinquance, d’abord contre les biens, en particulier les cambriolages, mais aussi voire plus grave, contre les personnes : près de 10% de hausse.

Or, la hausse des crimes et délits constatée par vos services sont en deçà de la réalité lorsque l’on voit les conditions d’accueil du public venu porter plainte, et les multiples témoignages en ce sens qui nous viennent des citoyens, et les conditions de travail dans certains commissariats, tel le commissariat central du 18e, pour ne citer que cet exemple dont nous avons déjà parlé.

Peut-être convient-il de citer le Rapport 2010 de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité qui rappelle que « les fonctionnaires de police ont l’obligation d’enregistrer toute plainte sur procès-verbal et ne sauraient se contenter de rediriger les plaignants vers une autre circonscription ou un autre service. Enregistrer la plainte par une audition du plaignant n’implique pas de l’instruire mais de la transmettre au procureur de la République, qui lui donnera la suite qui lui apparaîtra opportune ».

Voyez qu’on est loin des discours d’autosatisfaction de Mr Goujon, qui quand ils sont assénés à nos concitoyens qui souffrent dans nos quartiers les plus populaires, décrédibilisent la parole publique. Assez de discours « fracassants » mais de l’action efficace et durable ! C’est ce que la Ville fait avec ses compétences, c’est ce que l’Etat doit faire pour que la sécurité devienne une réalité pour tous à Paris et non une posture pour stigmatiser et masquer ses responsabilités.