« Monsieur le 1er Ministre,
Au nom de mon groupe, je veux dire notre immense peine et solidarité à la famille et aux proches de Samuel Paty, odieusement assassiné par un terroriste islamiste. Un professeur a été assassiné.
Ce n’est pas par hasard. L’islamisme politique, cet extrémisme, qui ne peut ni ne doit être confondu avec la religion musulmane de bon nombre de nos concitoyens doublement meurtris aujourd’hui, développe une offensive idéologique obscurantiste contre tout ce qu’incarne la République indivisible, sociale, démocratique et laïque. C’est sur la base de ce qu’il a semé dans les esprits par de multiples réseaux, bénéficiant de nombreuses complaisances ou aveuglements, qu’un terroriste s’est senti encore « autorisé » à tuer.
Un professeur a été assassiné, il était de celles et ceux qui, au quotidien, avait pour mission de permettre à nos jeunes de devenir des citoyennes et des citoyens émancipés, capables d’exercer leur liberté individuelle de jugement et d’expression. De leur permettre donc d’échapper à des assignations à résidence communautaire, familiale, culturelle, religieuse, sociale ou territoriale.
Un professeur a été assassiné. Il était de celles et ceux, qui, dans des conditions souvent difficiles, à contre- courant des haines qui se déversent impunément, devait expliquer que les femmes et les hommes sont égaux, que personne ne peut-être discriminé en raison de son origine, de sa religion, de sa couleur de peau, ou de son orientation sexuelle.
Et qu’aucune loi religieuse ne pouvait s’imposer à la loi de la République.
Un professeur a été assassiné, alors je vous demande d’affirmer avec force que personne n’est supérieur au professeur de l’école de la République laïque pour la transmission de nos valeurs fondamentales.
Je vous demande aussi d’honorer les 900 000 enseignants, ces piliers de la République, en les protégeant, en renforçant leurs moyens, en les valorisant aux yeux de toute la société.
Ce serait le meilleur hommage à Monsieur le professeur Samuel Paty. »

Réponse de M.Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

« Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Nous sommes au cœur du sujet, qui repose sur le socle républicain. Nous en étions témoins vous et moi, puisque nous étions côte à côte place de la République dimanche dernier ; je veux vous saluer pour cela également.

Nous sommes effectivement confrontés à une problématique, certes, de protection – j’aurai l’occasion d’y revenir –, mais également de reconnaissance des professeurs par notre société. Cette question se pose avec acuité quelques jours à peine après cet assassinat, mais elle existait déjà auparavant. Nous devons y apporter une réponse. C’est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs mois avec les organisations syndicales sur ce que nous appelons l’agenda social. Cela débouche aujourd’hui sur ce que j’avais annoncé : le Grenelle de l’éducation. Celui-ci commencera demain ; c’était le calendrier prévu, et nous ne le modifierons pas. Il repose sur des mots clés : « reconnaissance », notamment financière, mais aussi « coopération », avec le travail en équipe, « modernisation » et « protection ». Nous devons développer un ensemble de mesures au cours des trois prochains mois. Elles feront l’objet d’une loi de programmation. Leur effet le plus visible sera l’augmentation de la rémunération des professeurs, mais il y en aura d’autres. Vous constaterez la première augmentation dès l’examen du projet de loi de finances pour 2021, dont vous serez bientôt saisis, avec une enveloppe de 400 millions d’euros. Au-delà de cette augmentation, qui s’adressera notamment aux plus jeunes, mais qui pourrait concerner aussi l’ensemble des professeurs, nous transformons notre système, notamment avec des ressources humaines de proximité. Ce système sera beaucoup moins anonyme et beaucoup plus personnalisé, avec un suivi de chaque professeur tout au long de sa carrière. Cela manifestera la reconnaissance du pays à tous les professeurs.

Au-delà de ces mesures, le sursaut national actuel doit nous conduire à considérer que le professeur est central. Nous devons tous, comme citoyens, comme parents d’élèves, respecter les professeurs et tenir des discours qui les placent au centre de notre société. »