En obligeant le Conseil supérieur de l’audiovisuel à tenir compte du temps de parole du président de la République, le Conseil d’Etat met fin à une aberration démocratique.

L’« hyperprésidentialisme » qui caractérise la pratique de nos institutions politiques par Nicolas Sarkozy depuis son élection à la tête de l’Etat se traduit notamment par l’omniprésence de ce dernier dans les médias.

Face à ce déferlement de la parole présidentielle sur les ondes, les socialistes avaient demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), chargé par la loi de 1986 de garantir le pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les services de radio et de télévision, de revenir sur sa règle dite « des trois tiers », qui excluait jusque-là, par principe, la prise en compte des interventions du président de la République et de ses collaborateurs.

De plus, l’UMP se fait un devoir de refuser systématiquement, comme ce fut le cas lors de l’examen du projet de révision constitutionnelle de l’été 2007 ou lors de la discussion de la réforme de l’audiovisuel public, toute initiative de l’opposition visant à assurer, par la loi, le respect du pluralisme sur les antennes par la comptabilisation du temps de parole de l’hôte de l’Elysée et des membres de son état-major.

Dans ce contexte d’« omniprésidence » de Sarkozy, devenu tout à la fois chef de l’Etat, du gouvernement et de la majorité, la scandaleuse fin de non recevoir signifiée par le CSA, le 3 octobre 2007, aux responsables socialistes ayant demandé la révision de la « règle des trois tiers » entretenait une véritable aberration républicaine, incompréhensible dans les autres démocraties.

En outre, cette décision nuisait fortement à la crédibilité de l’autorité de régulation du secteur audiovisuel, déjà mise à mal par les modalités de désignation des membres de son collège, à l’heure actuelle tous nommés par des personnalités de droite.

C’est pourquoi l’arrêt du 3 avril dernier du Conseil d’Etat, rendu public ce 8 avril, permet de croire que notre République reste encore un Etat de droit.

En effet, en annulant la décision du CSA d’octobre 2007 pour « erreur de droit », l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat, c’est-à-dire la formation de jugement la plus élevée de notre juridiction administrative, a jugé qu’en estimant que les interventions du président de la République et de ses collaborateurs ne participaient pas du débat politique national, l’autorité de régulation de l’audiovisuel avait jusqu’à présent méconnu sa mission légale de garante du pluralisme de l’expression des courants de pensée politique sur les ondes.

A cette occasion, la Haute Juridiction administrative a rappelé que le Constituant avait « solennellement [réaffirmé] l’importance de la liberté de communication et de l’expression pluraliste des opinions », notamment par la disposition introduite, à l’initiative du groupe socialiste du Sénat, à l’article 34 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qui prévoit que « la loi fixe les règles concernant […] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

Cette décision de justice prouve que la pratique « monocratique » que fait Sarkozy des institutions n’est pas au-dessus des lois et que le combat en faveur de nos libertés civiles et politiques ne sera jamais vain.