Aux côtés de Gérard Grinberg, directeur de recherche au CNRS, je suis revenu sur les questions de transparence, à la suite de la publication du patrimoine des ministres. L’essentiel est ce qu’a proposé le Président de la République: le fait qu’il y ait un contrôle et qu’il y ait des sanctions alourdies, notamment d’inéligibilité, pour ceux qui mentiraient ou frauderaient.

Benedicte LE CHATELIER

Porte-parole du PS et sénateur de Paris. A vos côtés, Gérard GRUNBERG, directeur de recherche au CNRS et au Centre d’études européennes de Sciences Po et vous êtes spécialiste du PS. Alors, on aurait voulu avoir vos avis, notamment, David ASSOULINE, on a entendu Claude BARTOLONE dans le journal. On a lu, en tout cas, son interview à « Libé » où il dit, en gros, que c’est de la, de la politique spectacle, enfin que lui n’adhère pas du tout, du tout à ces publications de patrimoine puisque on rappelle que ça va être bientôt à votre tour, au tour des parlementaires.

David ASSOULINE

Moi, je respecte son point de vue, c’est son point de vue personnel, mais je pense que ce qui a été fait est nécessaire. Je pense que, bien entendu, dans l’exception française en Europe qui était de jeter un voile là-dessus, ça peut surprendre et il faudra s’y faire mais, en même temps, l’impact de ce qui s’est passé et puis le, le désamour avec la classe politique où toutes les rumeurs, les doutes, le discrédit pouvaient être alimentés sur la base de l’opacité et de la non-transparence, à partir du moment où les choses sont claires et aussi que chacun dit « Moi, je n’ai rien à cacher », ça dégonfle beaucoup de choses. Donc, je pense que c’est une bonne chose. Nous verrons dans quelles conditions, cel a été fait pour les ministres aux conditions qu’a posées le président de la République, on verra dans quelles conditions ce sera fait pour les parlementaires mais c’est l’occasion…

Benedicte LE CHATELIER

Ce ne sera pas forcément dans les mêmes conditions ?

David ASSOULINE

Les parlementaires légifèrent, c’est-à-dire que, moi, je pense qu’il faut qu’il y ait la transparence. Mais, vous voyez, paradoxalement, la presse est plutôt sur le ton de dire « C’est un peu du spectacle », mais,en même temps, c’est elle qui publie le détail dans tous les journaux…

Benedicte LE CHATELIER

Oui mais c’est publié sur le site du gouvernement…

David ASSOULINE

D’accord, sauf que ce n’est pas, ce n’est pas complètement la même chose qu’un citoyen sache…

Benedicte LE CHATELIER

Monsieur GRUNBERG sourit à vos côtés.

David ASSOULINE

Mais ce n’est pas complètement la même chose qu’un citoyen sache que, il n’y a rien à cacher, si lui veut savoir, il peut aller voir… Donc, c’est aussi ça, la politique spectacle. Tout le monde, y en a pour son grade dans, en a pour son grade dans cette histoire. Mais, ce que je trouve dommage quand même, c’est que l’essentiel est ce qu’a proposé le président de la République : le fait qu’il y ait un contrôle et qu’il y ait des sanctions alourdies, notamment d’inéligibilité, pour ceux qui mentiraient ou frauderaient.

Benedicte LE CHATELIER

Oui (…) Mais, enfin, c’est pour montrer qu’on n’a rien à cacher mais, enfin, sincèrement, si on a quelque chose à cacher, on ne le dit pas. On ne va pas le publier sur…

David ASSOULINE

Mais c’est pour cela que je suis en train de vous dire – oui mais l’opprobre a été jetée sur tous les autres qui n’ont rien à cacher – mais c’est pour cela que je vous dis que, le plus important, pour moi, dans les mesures qui ont été annoncées, c’est l’augmentation des sanctions et les réels moyens de contrôle parce que, ce que les Français ne savaient pas et ils le savent grâce à ce qui est en train de se passer, c’est que, moi parlementaire, comme tout parlementaire, eh bien on dépose exactement la même déclaration de patrimoine sur l’honneur à la commission de transparence…

Benedicte LE CHATELIER

Oui, au début et à la fin.

David ASSOULINE

Au début et à la fin mais, comme il n’y a pas de moyens de contrôle et les sanctions sont minimes… Donc, ce que, par contre, la droite, là, jette un peu de flou sur l’histoire parce que, voilà, elle commente, « Est-ce que c’est bien d’être transparent ou pas ? » (… )  monsieur JACOB et monsieur COPE, en 2010, ont demandé qu’il n’y ait pas de sanctions quand, sur les déclarations de patrimoine, il y avait fraude. Or, aujourd’hui, nous, on propose, au contraire, d’alourdir les sanctions.

(…)

Benedicte LE CHATELIER

Le problème, c’est ce que dit Alain JUPPE, c’est  « Est-ce qu’il a profité de son poste pour s’enrichir ? », en fait. C’est ça.

David ASSOULINE

Oui mais, justement, mais on ne peut pas complètement dissocier les deux. Pourquoi ? Parce que – comment vous dire ? – à partir du moment où les choses sont ouvertes, les raisons de l’enrichissement ou alors les fantasmes sur l’enrichissement se dégonflent. On voit, c’est, là, c’est un héritage… Ce n’est pas de l’argent indu. Et donc, comment vous dire, bien sûr que ça peut gêner parce que ce n’est pas notre culture mais, en même temps, c’est quelque chose qui va, au contraire, vous allez voir, après ce petit moment d’agitations et de commentaires, dégonfler les choses. Effectivement, le clivage entre la gauche et la droite n’est pas celui qui est riche ou celui qui est pauvre. C’est faire en sorte…

Benedicte LE CHATELIER

Franchement, David ASSOULINE, ça ne vous gêne pas de, ça ne vous gêne pas que les Français sachent combien vous avez sur votre compte en banque ? Ca ne vous met pas un peu mal à l’aise ?

David ASSOULINE

Moi, moi, moi, ça m’est complètement égal…

Benedicte LE CHATELIER

Ca vous est égal, vraiment ?

David ASSOULINE

Je sais très bien pourquoi ça m’est égal. Parce que, moi, je sais que, dans mon engagement politique, pour qu’il y ait de la justice sociale et pour que les riches contribuent plus que ceux qui n’ont rien, eh bien il n’y a pas un problème individuel. Je ne considère pas qu’un riche est mauvais en soi, je considère et, c’est bien, ça nous permet de faire de la politique sérieusement et pas avec du vulgaire populisme, je considère que ceux qui, au contraire, sont riches et s’engagent pour que les riches paient plus, eh bien on devrait leur, les honorer et, là, on en voit quelques uns, comme madame DELAUNAY, qui ont un patrimoine, eh bien c’est à son honneur de ne pas vouloir que les riches ne paient rien. Or, la droite, aujourd’hui, mon problème avec elle, ce n’est pas de savoir ce qu’il y a sur le patrimoine de monsieur COPE ou de monsieur FILLON, mon problème, c’est qu’ils votent contre le fait qu’il y ait des sanctions alourdies…

Benedicte LE CHATELIER

Voilà, donc, ça, les sanctions, c’est vrai que c’est la deuxième partie…

David ASSOULINE

Et aussi, et aussi que, dans la société, ils ont défendu, avec le bouclier fiscal et l’ISF, notamment, qu’ils ont réduit, le fait que les riches contribuent moins et pas à la hauteur de leurs patrimoines quand il y a une crise sociale comme celle-là.

Benedicte LE CHATELIER

On se reparle de tout ça quand le, le projet de loi est bâti. Merci, en tout cas, à tous les deux. Merci d’être venus nous voir sur le plateau de LCI.