Vous trouverez ci-dessous ma contribution écrite, à l’occasion des Assises de l’audiovisuel, organisées le 5 juin dernier par le Ministère de la Culture et de la Communication.

La question du financement de la télévision est bien évidemment consubstantielle à celle de son développement, mais on y répond différemment selon que l’on parle du service public ou des groupes privés. S’agissant du service public, l’objectif est de lui permettre d’être un outil au service de l’émancipation, du développement culturel et de l’innovation, tout en assurant son indépendance par rapport à l’État. S’agissant des télévisions privées, il s’agit de les faire participer au rayonnement culturel de la Nation tout en leur permettant de se développer économiquement.

Aborder la question du financement de la télévision impose aujourd’hui  d’évoquer ensemble les trois modèles qui existent: le service public dont le financement est mixte depuis l’origine, avec une partie majoritaire assumée par l’Etat, à travers la contribution à l’audiovisuel public, et une partie issue de la publicité ; les chaines privées gratuites, qui tirent leurs recettes de la publicité ; et les chaines payantes dont les revenus dépendent principalement de leur nombre d’abonnés. Le cas des chaînes du câble et du satellite est un peu différent puisque la source de revenus provient principalement du distributeur.

Les économies des uns et des autres sont interdépendantes parce que la concurrence est double : elle est évidente sur le marché publicitaire, qui est stagnant, et elle se joue aussi, tous les jours, au niveau de l’audience, qui est jugé par la profession comme le critère de réussite majeur, qu’on le veuille ou non. Or le modèle existant depuis les années 80 est en crise pour plusieurs raisons :

1ère raison majeure : la réforme de 2009 a profondément bouleversé le paysage audiovisuel. En supprimant la publicité sur France Télévisions en soirée, sans augmenter la redevance, elle a d’abord fortement déstabilisé l’audiovisuel public.  L’entreprise unique a été une source majeure de difficultés et le financement de la réforme par de nouvelles taxes était totalement illusoire. On est passé d’un mode de financement mixte et équilibré 2/3 redevance 1/3 publicité, à un système fragile de triple financement redevance/publicité/dotations.

Au premier coup de grisou économique, on savait que les dotations seraient diminuées : cela n’a pas manqué. Il faut dire que les taxes étaient mal choisies : l’une sur les recettes commerciales des chaines privées a vu son taux être divisé par 6 depuis le projet de loi initial ; l’autre sur les télécoms est très contestée à Bruxelles, nous le savons. Dans le même temps, la réforme assouplissait le régime de la publicité sur les chaines privées :

– double coupure, heure d’horloge, davantage de temps publicitaire. Mais l’augmentation du temps de publicité et l’arrivée des chaines de la TNT a eu un effet dépressif sur les prix et la dégradation de la situation des chaines historiques est visible.

Je considère donc que la réforme de 2009 s’est faite à contretemps. Les assises sont aujourd’hui une excellente idée, puisqu’elles nous permettent de poser clairement les enjeux et de ne pas reproduire ce genre d’erreurs. Je félicite donc Mme la ministre de cette initiative ;

2ème raison majeure : des difficultés au-delà des mutations du paysage audiovisuel, l’arrière-plan économique s’est profondément transformé avec les effets de la crise auxquels s’ajoute l’arrivée de l’Internet et sa capacité à capter une partie du marché publicitaire.

Comment avancer à nouveau dans la bonne direction ?

Première étape, régler le problème de financement de France Télévisions, qui est un acteur essentiel du paysage audiovisuel français et le principal financeur de la création. Il faut un système clair, juste, efficace et stable, et qui a du sens parce que reposant sur la contribution des citoyens qui ont besoin de ce sens pour la porter et l’accepter.

Je l’ai déjà dit, la redevance est le pilier du financement de l’audiovisuel public.

Nous avons pris nos responsabilités l’année dernière, Gouvernement et Parlement, avec une hausse du montant, et tout le monde a pu  constater que les frilosités politiques et les préventions alarmistes sur les levées de bouclier de l’opinion qu’une augmentation provoquerait se sont avérées sans fondement, personne n’est mort, et même celui qui disait que lui vivant jamais la redevance n’augmenterait est toujours vivant. Nos concitoyens sont beaucoup plus matures que certains le pensent souvent.

Il reste à travailler sur l’assiette. Je suis quant à moi pour une règle extrêmement simple :

1er principe, neutralité technologique : si un foyer possède un appareil permettant de recevoir la télévision, quel qu’il soit, cela signifie qu’il peut regarder la télévision publique et il doit donc payer la contribution.

 2ème principe, une taxe d’habitation une redevance, même si je suis d’accord de limiter le montant d’une deuxième contribution à une demi-redevance.

Ces propositions, susceptibles de rapporter près de 200 millions d’euros, sont les seules susceptibles d’alléger le budget de l’État et de remédier aux difficultés créées en 2009.

Cela devrait être pris en compte dans le cadre du COM négocié entre l’État et la chaîne. Je rappelle à cet égard que le Parlement est le garant du sérieux et de la crédibilité de ce COM puisqu’il donne un avis et vote chaque année le budget du groupe public.

Le précédent COM était malheureusement basé sur des hypothèses faussées, nous nous en étions fait l’écho à l’époque. N’oublions pas aussi que le financement de la télévision publique est mixte.

Il faudra donc modifier la loi pour prévoir que la publicité est bien maintenue sur France Télévisions en journée.

Et si la taxe télécoms venait être annulée à Bruxelles, que ferait-on ?

Il est évident que le retour de la publicité sur les écrans de soirée aurait un impact sur l’économie des chaînes privées et c’est évidemment un élément dans la décision. Je pencherais donc plutôt pour la mise en place d’une taxe sur les produits bruns, dont l’assiette serait plus large que celle proposée par Pierre Lescure pour la création,  et dont une partie serait fléchée vers France Télévisions puisque presque 70% de la création audiovisuelle est financée par le service public.

Dernier point sur le financement : la question des droits.

Certes le retour des parts de coproducteurs pour les chaînes n’aura pas un effet économique décisif. Néanmoins, associé à une politique active de circulation, le gain financier ne sera pas négligeable. Les deux sont d’ailleurs, dans mon esprit, totalement indissociables.

Dans une logique du donnant/donnant, les chaînes doivent disposer de plus de droits économiques sur leurs programmes et les producteurs bénéficier d’une bien meilleure circulation.

Ce sujet est d’ailleurs commun avec les chaînes privées. Le rapport du groupe du travail du Séant dont je faisais partie a montré que l’on n’était pas unanime sur le taux pertinent de production indépendante, pour moi passer pour le service public de 95% à 70%. En revanche nous sommes bien d’accord pour rééquilibrer les revenus tirées des œuvres. Ce sujet n’est pas anodin car il est évident que les ressources de la télévision sont intrinsèquement liées à sa capacité à innover et à diffuser des œuvres audiovisuelles qui rencontrent leur audience. S’agissant de la réglementation de la publicité à la télévision, le CSA a engagé une réflexion sur la publicité pour le cinéma. Nous pouvons lui faire pleinement confiance pour nous faire des propositions pertinentes.

Enfin l’économie des chaînes payantes est également un enjeu d’actualité. L’histoire nous a montré que le monopole permettait de disposer d’un acteur en position de financer largement le secteur du cinéma. L’arrivée d’un nouveau grand acteur sur le marché des droits sportifs pourrait changer la donne, et nous seront donc attentifs aux évolutions. Il y a aussi une question fiscale avec le taux de TVA applicable. Sur cette question, ne jouons pas les acteurs les uns contre les autres. Essayons de voir quel est l’intérêt global du secteur. Quand on est du côté de la culture, comme je le suis, un taux faible est évidemment la meilleure solution.