A la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, le débat s’est tenu le mardi 7 janvier. Vous retrouverez ci-dessous le texte de mon intervention ainsi que la réponse de M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.

Mon intervention:

Ce débat revêt une double originalité par rapport à ceux organisés par la commission que je préside. En effet, ce rapport sur la loi du 5 janvier 2010, dite loi Morin, est le premier à conclure à un bilan très négatif de l’application de celle-ci. Mais, aspect positif, il propose également des pistes législatives. Nos rapporteurs, malgré le scepticisme de certains au vu de leurs sensibilités politiques différentes, ont su travailler en bonne intelligence. Mme Bouchoux a proposé deux amendements à la loi de programmation militaire, adoptés après avis favorable du Gouvernement. Voilà qui illustre à nouveau le lien fort entre notre fonction de contrôle et de législation.

Je veux saluer le travail de M. Cléach, rapporteur de la loi Morin, et de Mme Demessine, membre de la commission consultative de suivi, qui a participé aux réunions du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).

En adoptant la loi de 2010, le législateur a voulu indemniser et reconnaître les victimes des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française. Pourtant, très peu d’indemnisations ont été accordées. Un tel blocage n’était pas acceptable, qui jetait le discrédit sur la parole publique. Il était plus que temps d’y remédier, alors que s’engage une véritable course contre la montre pour reconnaître les victimes encore en vie.

Nos rapporteurs n’ont pas voulu abroger la loi de 2010 pour ne pas retarder davantage l’indemnisation. L’un des amendements déposés par Mme Bouchoux octroie un délai de cinq ans aux ayants droit pour déposer une demande et l’Assemblée nationale a élargi le périmètre du dispositif à l’ensemble de la Polynésie française.

Pourquoi une telle défaillance de la loi ? Les crédits ont été alloués, les procédures contentieuses se sont multipliées. Le problème tient surtout au traitement des dossiers individuels. Résultat, une impasse législative, comme l’ont écrit nos rapporteurs.

Le maintien des crédits consacrés est un impératif car cette loi peut connaître une nouvelle jeunesse. Nos rapporteurs proposent la sanctuarisation de l’architecture financière, la sous-consommation des crédits ne pouvant justifier leur réduction.

Deuxième point que je veux souligner, une distinction honorifique, comme l’avais proposé M. Cléach dès 2009, serait un gage de reconnaissance de la Nation. Il est temps d’y venir.

La réponse de M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants:

Au terme de ce riche débat, je veux vous remercier pour la qualité de vos interventions, qui témoignent de l’intérêt que porte le Parlement aux victimes des essais nucléaires -intérêt que partage le Gouvernement.

La loi de 2010 n’est remise en cause par personne. Des pistes d’amélioration sont néanmoins proposées, notamment sur la procédure de dépôt des dossiers. La loi de programmation militaire renforce les obligations du Civen ; l’indemnisation demeure soumise à l’existence d’un lien de causalité que l’administration a la charge de réfuter. En outre, la loi mêle victimes et vétérans ; la confusion doit être levée. Je salue la saisine de la Grande chancellerie pour la création d’une distinction spécifique.

Le nombre actuel d’indemnisations reste faible car peu de dossiers ont été déposés au Civen. Au 31 décembre 2013, 880 dossiers avaient été déposés, 500 jugés recevables et 13 indemnisations accordées. Ces nombres empêchent un traitement statistique fiable. Certaines associations disent disposer de centaines, voire de milliers de dossiers en attente… Comme l’a dit le ministère de la défense à de nombreuses reprises, les associations doivent inciter leurs membres à déposer des dossiers. (M. Roland Courteau approuve)

Le pilotage de l’action, désormais interministériel, sera amélioré sur le modèle d’autres dispositifs d’indemnisation confiées à des autorités administratives indépendantes. L’article 53 de la loi de programmation militaire a transformé le Civen en autorité administrative indépendante placée sous l’autorité du Premier ministre. Un pas important a ainsi été franchi.

Concernant la transparence, nous travaillons de concert avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de la santé et celui des outre-mer pour améliorer l’information auprès des populations concernées, notamment par la valorisation des travaux du Civen.

Autre chantier, associer les médecins reconnus par les associations aux travaux du Civen, une option écartée lors de l’examen de la loi Morin. Le Civen travaille de manière très transparente, l’étude des dossiers se fait au cas par cas. Sous réserve du respect du secret médical, nous ne sommes pas opposés à ce que des experts assistent aux réunions du comité, comme les parlementaires le font. Le Sénat a fait un pas de plus en réservant un siège à un médecin reconnu par les associations au sein du Civen. Sans être spécialiste, l’utilisation d’un logiciel de calcul de probabilités n’empêche pas l’instruction individuelle des dossiers car des éléments spécifiques au demandeur peuvent y être introduits.

Concernant la déclassification des informations, le ministère de la défense a traité 200 dossiers dans le courant du mois d’octobre et les données ont été transmises aux demandeurs. Une étude sur la possibilité légale et pratique de recenser tous ceux qui ont été exposés à des radiations sera bel et bien menée, selon une démarche proactive.

La transformation du Civen en autorité administrative indépendante clarifie la mission de cette institution qui ne pourra désormais plus être considérée comme juge et partie. Cela correspond aux objectifs qui sont les vôtres et les nôtres, un système juste et transparent.