Séance publique du samedi 29 novembre 2015

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter cette année l’avis de la commission de la culture sur les crédits du programme « Création » et sur le soutien public au cinéma. Nous pouvons tout d’abord nous féliciter du maintien des crédits visant à encourager la création et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. C’est un excellent signe en période de contrainte budgétaire, et je note que la promesse du Premier ministre a été tenue. Hors Philharmonie de Paris, ces crédits sont même en augmentation de 2 %.

 

Globalement, les dépenses de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant sont maintenues et les crédits en faveur des équipements en région sont préservés, ce qui permettra notamment de poursuivre la réalisation de fonds régionaux d’art contemporain « de nouvelle génération ».

Autre motif de satisfaction, le montant des crédits déconcentrés de fonctionnement dans le domaine du spectacle vivant s’élève à 284 millions d’euros, dont 192 millions d’euros pour les labels et réseaux.

En revanche, malgré une hausse de 5 % des crédits de paiement, qui mérite d’être soulignée, les arts plastiques continuent à faire figure de « parent pauvre » de la création française pour plusieurs raisons. Ils bénéficient de moins de 10 % des crédits du programme, ne peuvent pas s’appuyer sur un régime d’indemnisation du chômage comme celui des intermittents – j’attire d’ailleurs votre attention sur ce dernier régime, car il me paraît nécessaire de le conforter, et j’aimerais que Mme la ministre nous éclaire à cet égard –, vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté et attendent toujours une réponse du ministère du travail pour mettre en place une convention collective.

Je rappelle également que les acteurs privés, mais aussi – c’est le plus choquant – les structures publiques ne respectent pas leur droit d’exploitation, les privant ainsi de revenus complémentaires et diminuant l’assiette de leurs cotisations à la sécurité sociale. Enfin, des dérives des systèmes de cotisations ont été dénoncées à plusieurs reprises par l’Inspection générale des affaires culturelles et l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont décrit la situation dramatique d’artistes privés de retraite. Je souhaiterais que nous prenions le temps d’appréhender ensemble tous ces sujets en amont du projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, que nous attendons – vraiment ! – pour le printemps 2015.

Le Sénat, en adoptant les amendements présentés par notre commission de la culture, c’est-à-dire l’application de la TVA au taux réduit de 5,5 % sur l’ensemble des livraisons d’œuvres d’art et le relèvement du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson des variétés et du jazz, le CNV, a montré qu’il entendait prendre toute sa part dans ce débat. Je rappelle que le CNV joue un rôle vital de soutien à la filière musicale, puisqu’il redistribue 35 % du rendement de la taxe sous forme d’aides sélectives au profit des entreprises les plus fragiles.

J’en viens maintenant au soutien public au cinéma. Dans ce domaine aussi, le projet de loi de finances préserve ce qui doit l’être, même si on voit bien qu’il en faudra davantage pour pérenniser notre système original et vertueux de soutien à l’activité cinématographique.

Alors que les taxes qui abondent le fonds de soutien rapporteront moins l’an prochain, le projet de loi de finances, dans sa rédaction initiale, en laissait l’intégralité du produit au CNC. La commission des finances, cependant, a proposé, et la majorité de notre assemblée l’a adopté, le principe d’un « écrêtage » des deux principales taxes affectées au CNC, en cas de dépassement du plafond. Je le regrette.

Je me réjouis surtout que le Sénat ait suivi l’avis de la commission de la culture en ne votant pas la proposition de la commission des finances de ponctionner le fonds de roulement du CNC de 61,5 millions d’euros, d’autant que le produit des taxes affectées s’inscrit en recul de près de 10 % par rapport aux prévisions de l’an passé.

Madame la ministre, je sais que vous connaissez la situation du cinéma français et les dangers qui pèsent sur lui. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous attendons des réformes d’envergure pour l’an prochain, et vous savez que vous pourrez compter sur le Sénat pour les accompagner.

Les réformes attendues sont nombreuses : sur le fonds de soutien, sur la chronologie des médias ou encore sur le soutien à l’exportation. Il faudra également travailler à la réforme du crédit d’impôt cinéma, non seulement pour attirer les films étrangers, mais aussi pour empêcher que les films français ne soient tournés, pour des raisons fiscales, en Belgique, au Luxembourg et même en Allemagne. Le temps est venu d’agir sur ce point.

Nous sommes attachés à notre système de soutien au cinéma, vertueux et performant. C’est grâce à lui que nous continuons de produire 270 films par an, que les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, que les salles ont réalisé plus de 200 millions d’entrées l’an passé, et que la branche représente 250 000 emplois directs.