Retrouvez mon intervention lors de l’audition de Juliette Théry-Schultz, candidate désignée par le Président du Sénat, Gérard Larcher, à la fonction de membre du CSA, ainsi que sa réponse.

 

« En préambule, je déplore que nous ne connaissions pas les autres candidatures transmises au Président du Sénat. Il serait souhaitable qu’il y ait une transparence sur ces candidatures. La démocratie consiste à choisir celui que l’on trouve le meilleur, pas simplement à valider un choix ! Ne vous sentez pas visée personnellement, madame. Je fais cette remarque de principe lors de chaque nomination au CSA, y compris quand je vote avec enthousiasme pour la personne présentée.

Compte tenu de vos compétences, de vos qualités et de votre discours, je ne conteste en rien votre candidature. Les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendront votre nomination pour vous permettre d’exercer votre mandat avec force.

Je veux évoquer l’avenir du football français. Un appel d’offres a été lancé hier. Faute de diffuseur, le Championnat de France ne sera peut-être plus diffusé dans notre pays… Il n’y a jamais eu de régulation. Comment le CSA ne serait-il pas concerné par le fait que Mediapro fausse la concurrence en proposant 1,2 milliard d’euros ? Le problème s’était déjà posé avec la candidature de BeIN Sports, qui pouvait se permettre un déficit de plusieurs centaines de millions d’euros parce qu’il était soutenu par un État.

Certes, il faut respecter le droit de la concurrence lors de l’attribution des droits, mais les offres doivent être honnêtes, éthiques et permettre une véritable concurrence. Le CSA peut intervenir en ce sens. Il est important, pour notre paysage audiovisuel, que le sport soit accessible, mais aussi qu’il puisse être diffusé dans des conditions correctes.

La régulation doit également devenir plus contraignante pour les appels à la haine. Sur ce plan, la situation ne fait qu’empirer. Ce matin, sur CNews, M. Dassier a déclaré que l’on ne viendrait pas à bout de l’échec scolaire tant qu’il y aurait dans chaque classe un nombre important « de Noirs, d’Arabes, j’en passe et des meilleures ». Il est incroyable que l’on puisse tenir de tels propos à l’antenne ! Je rappelle que ce présentateur, déjà condamné par la justice, récidive régulièrement sur la même chaîne, quand les humoristes qui critiquent ses propos sont, eux, licenciés.

Le CSA devrait aller beaucoup plus loin et agir beaucoup plus fortement. Quel est votre avis sur ce sujet ? J’espère, si vous êtes nommée au CSA, que vous relaierez ce type d’exigence. »

Mme Juliette Théry-Schultz. :

 » Vous m’interrogez sur l’inflation des droits sportifs. Nous sommes arrivés au point de rupture avec Mediapro, qui a mis sur la table 850 millions d’euros pour l’acquisition des droits de la Ligue 1 de football. La situation est bloquée. Je pense que le système a trouvé ses limites. On ne peut pas dire qu’il n’y ait absolument aucune régulation : je pense au décret de 2004 sur la diffusion des événements d’importance majeure, qui résulte lui-même d’une directive. La question est néanmoins posée. Le ministère a organisé une consultation publique sur le sujet en décembre dernier. Elle faisait suite, d’ailleurs, à votre rapport de 2016.

La liste des événements qui figure dans la directive de 1997 pourrait tout à fait comporter des événements qui ne soient pas sportifs, parce que la question concerne de façon plus générale l’inflation des droits sur le marché de l’acquisition. Cette inflation est inquiétante. Au demeurant, le mécanisme retenu en 2004 impose aux opérateurs privés qui bénéficient d’une exclusivité de proposer une cession des droits aux éditeurs gratuits. D’après ce que j’ai compris, l’activation de ce mécanisme est sur la table. Quoi qu’il en soit, ce qui se passe avec Mediapro remet véritablement le sujet sur le devant de la scène.

Pour ce qui concerne les appels à la haine, je rappelle que je suis juriste. J’ai une longue expérience de l’instruction. J’ai instruit les saisines de petits entrants qui allaient devoir mettre la clé sous la porte s’ils continuaient à être écrasés par une entreprise dominante. Malgré l’émotion, nous sommes obligés de respecter les procédures !

En l’occurrence, la procédure en matière de déontologie des contenus est assez lourde pour le CSA, qui doit mettre en demeure, puis attendre une éventuelle réitération de l’éditeur, sachant que la personne en cause ne peut pas être condamnée par le CSA, ce qui, du reste, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale au titre de la loi de 1881. Le CSA peut aussi faire un signalement au procureur s’agissant du journaliste. Quoi qu’il en soit, toute une procédure, respectant la séparation entre l’instruction et la décision, s’engage à l’égard de l’éditeur, avec la nomination d’un rapporteur.

Dans un État de droit comme le nôtre, les choses ne sont jamais pleinement satisfaisantes. Le fait que le CSA ne puisse pas intervenir rapidement constitue une difficulté. »