Retrouvez ci-dessous l’entretien accordé à Pure media au sujet du projet de loi relatif à l’indépendance de ‘audiovisuel public.
Le rapporteur du projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public au Sénat, David Assouline, a expliqué à puremedias.com pourquoi le Sénat a voté en faveur de l’amendement dit « LCI ».
David Assouline, rapporteur du projet de loi.

David Assouline, rapporteur du projet de loi.

 

David Assouline, sénateur PS de Paris, est le rapporteur du projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public au Sénat. Pour puremedias.com, il a accepté de s’expliquer sur le vote par le Sénat de « l’amendement LCI » accordant au CSA le pouvoir de faire passer une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite.puremedias.com : Alain Weill a dénoncé dans nos colonnes l’amendement dit « LCI », finalement voté hier par les sénateurs. Quelle est votre réaction à ses propos?

David Assouline : En tant que parlementaire, je n’ai pas à réagir à telle ou telle déclaration d’un patron de groupe audiovisuel. Durant les discussions au Parlement, les dirigeants de chaînes opposés à cette mesure ont pu exprimer leur position, comme ceux qui la soutenaient. Nous les avons tous attentivement écoutés. Nous avons ensuite longuement discuté et réfléchi. J’ai finalement assumé ma conviction et notre mission de parlementaires, et travaillé en toute indépendance, en privilégiant ce que je considère être l’intérêt général.

Alain Weill parle plutôt d’intérêt de TF1 ?

Le texte en question vise à renforcer les pouvoirs du CSA en matière de régulation du secteur. L’amendement dont on parle répond à un vrai sujet posé depuis plusieurs années. Je rappelle que cet amendement est une demande du CSA lui-même. Comme d’autres amendements, il permettra de lui apporter davantage de souplesse. Une souplesse indispensable pour lui dans un paysage audiovisuel français totalement changé depuis 10 ans et en mutation constante.

Comprenez-vous pour autant les craintes des groupes NextRadioTV et Canal+ dans ce dossier ?

Bien sûr. Encore une fois, nous avons longuement discuté de cette disposition et des conséquences qu’elle pourrait avoir. Nous avons fini par prendre nos responsabilités mais avons aussi tenu à border cet amendement, à l’encadrer, pour justement prendre en compte les remarques faites par certains patrons de chaînes. Avant d’autoriser une chaîne payante à passer en gratuit, le CSA devra veiller au pluralisme, réaliser une étude d’impact et tenir compte de la préservation des équilibres essentiels des marchés publicitaires. J’ajoute qu’il devra aussi auditionner toutes les parties potentiellement impactées avant de prendre sa décision.

« Il n’y a pas eu de motivation politique dans notre travail »

Alain Weill dit que cet amendement a été voté en catimini à l’Assemblée nationale, en plein été. Selon lui, il s’agit en fait d’une mesure politique visant à favoriser les intérêts de TF1.

Je n’ai pas à dire s’il a tort ou pas, il dit ce qu’il veut. Il n’y a pas eu ce genre de motivation dans notre travail, ce n’est pas une mesure improvisée mais réfléchie. Je l’assume. Concernant la méthode, je rappelle que cette loi a été modifiée tout au long de son voyage au Parlement comme toutes les lois. La loi sur l’indépendance de l’audiovisuel concerne aussi prioritairement les pouvoirs de régulation du CSA. Cet amendement justement les accroît. La loi en discussion nous a donc paru être le bon véhicule législatif. Quant à la date du vote, je rappelle que la loi a été inscrite très tard à l’ordre du jour de l’Assemblée, en juillet, à cause d’un agenda législatif très dense.

L’avis d’Aurélie Filippetti sur cet amendement a beaucoup changé. D’abord contre, elle s’en est ensuite remise au Parlement pour trancher. Récemment, elle a laissé entendre qu’elle ne serait pas contre un passage sur le gratuit de LCI. N’est-ce pas la preuve que le dossier est politique comme le dit Alain Weill ?

Non, justement. S’il y avait eu un montage politique, il n’y aurait pas eu ces hésitations. Des hésitations que l’on a tous eues, tant le sujet est complexe, encore une fois.

Alain Weill parle d’attaquer en justice cet amendement devant le Conseil constitutionnel et les juridictions européennes. Pensez-vous qu’il pourrait avoir gain de cause ?

Si on le pensait, nous n’aurions pas voté cet amendement. Concernant les juridictions européennes, c’est peu probable qu’elles reviennent sur la mesure, même si le droit européen réserve parfois des surprises. Pour le Conseil constitutionnel, je pense qu’un rejet est encore moins probable.

« Je suis un partisan du pluralisme dans les médias »

A titre personnel, êtes-vous favorable au passage de LCI sur le gratuit ?

Je suis un militant constant de l’indépendance et de la liberté des médias, et je ne veux pas interférer comme responsable politique dans la décision que seul le CSA aura à prendre en toute indépendance. J’ai un point de vue, comme beaucoup de citoyens.

Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale et auteur du fameux amendement semblait, lui, plutôt favorable à ce passage au gratuit au nom « du pluralisme de l’information ». Qu’en pensez-vous ?

Je suis aussi un partisan du pluralisme dans les médias et la diversité de l’offre a été le coeur de la réussite de la TNT. On peut penser aussi que la crise n’est pas éternelle, et la dynamique de la diversité de l’offre peut accroître le périmètre actuel des téléspectateurs et générer des gains publicitaires supplémentaires. Il ne faut pas considérer que toute multiplicité de l’offre sur un même périmètre est forcément négative.