SENAT – SESSION ORDINAIRE 2010-2011

Séance publique du 30 mars 2011 – Proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Ile-de-France

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’évoquerai d’abord, et très brièvement, les termes de notre débat passé, au moins pour mettre en évidence que le climat a changé.

Le Grand Paris, tel que l’exigeait Christian Blanc, qui « savait tout, mieux que tout » – il est d’ailleurs légitime de se demander comment nous pouvons encore, en son absence, parler savamment –, interrogeait notre modèle de développement métropolitain, mais ne fournissait pas de réponses adéquates. En effet, ce projet semblait relever du passé en termes de pratiques d’aménagement.

Contrairement à ce que le Gouvernement avait voulu faire croire, ce projet de loi ne constituait pas un simple projet de métro automatique doublé d’un cluster. Symboliquement, en imposant un mode de gouvernance vertical – par l’État – et en privant le Syndicat des transports d’Île-de-France de son rôle d’organisateur des transports, il était surtout la négation d’acquis de la décentralisation. L’État semblait en effet chercher à imposer un projet aux acteurs locaux – pourtant porteurs d’une autre parole –, sans concertation.

L’Île-de-France souffre, dans le domaine des transports, d’un désinvestissement patent, depuis vingt ans, que la région, progressivement, a dû pallier. Le retard ayant découlé de cette situation rend nécessaires des réalisations fortes, afin de faire face à l’enjeu majeur que sera la ville durable dans les prochaines décennies. L’actuel prix du carburant laisse augurer d’importantes évolutions des formes urbaines dans un futur proche.

L’étalement urbain, fruit de la généralisation du « tout voiture », semble appartenir à un modèle de développement appartenant au passé. Les formes urbaines futures reposeront avant tout sur la compacité, qui permet des transports en commun efficaces et efficients économiquement.

Pierre Veltz notait, lors d’un colloque sur les villes du futur organisé par notre collègue Jean-Pierre Sueur, que ces évolutions étaient déjà notables, puisque l’on observait une décroissance partielle de la population des franges des départements de la grande couronne. Ces mutations impliquent une politique de transport ambitieuse, où l’ensemble des acteurs participent à l’élaboration d’un projet viable, développant notamment les radiales pour favoriser des déplacements « banlieue-banlieue » sans passer par le centre. Il nous revient de tout faire pour organiser un service public de la mobilité. Nous ne saurions donc blâmer l’État de vouloir investir dans ce domaine, mais nous estimons que sa politique de transport doit être au service de l’ensemble des habitants, et non de quelques usagers seulement.

Le projet du Grand Paris fournissait donc une réponse partielle, et parfois biaisée, à un défi bien réel et identifié. Nous avons tenté – vainement – d’infléchir la politique gouvernementale au cours des débats. Nous cherchions notamment à intégrer ce projet au SDRIF de 2008 pour harmoniser le développement francilien et permettre une bonne insertion de tous les réseaux prévus dans l’existant.

Un réseau de transport se juge en effet à la qualité de ses nœuds, qui sont autant d’interconnexions possibles et de déplacements potentiels. Rien n’est pire qu’une ligne isolée, qui ne suscite que peu d’interactions. Il aura finalement fallu patienter quelque peu pour que la raison l’emporte et que l’État accepte de prendre en compte les revendications que nous portions.

Après de longues discussions, le Grand Paris semble enfin pouvoir s’inscrire dans une perspective apaisée.

Le protocole signé le 26 janvier 2011 ouvre la voie à un accord pour les transports en Île-de-France d’ici à 2030, accord que je qualifierai sinon d’historique – vous refusez ce terme – mais d’inédit ! Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu cela en Île-de-France ! Il faut dire que l’on ne s’occupait pas beaucoup de nous…

Je vois dans cet accord le résultat de négociations assagies menées dans le respect de chacun.

Les deux principaux protagonistes, que je salue pour leur action, MM. Leroy et Huchon, ont trouvé le chemin d’un dialogue constructif, dans l’intérêt général.

Cet accord est également le fruit d’un formidable débat démocratique auquel ont participé plus de vingt mille Franciliens.

Les Franciliens ont, lors de chaque débat public, fait entendre leur lassitude devant des trains rarement ponctuels, un matériel roulant fatigué et des lignes saturées. L’amélioration de l’existant leur a paru, à juste titre, être une priorité ! Nous vous rappelions en toutes circonstances cette priorité l’année dernière, lors des débats sur le Grand Paris.

Au final, ces milliers de voix ont été entendues.

Dans le projet initial, le Grand Paris n’était qu’un réseau rapide et déconnecté des lignes existantes. Toutefois, il n’aura pas résisté aux débats publics, qui ont plébiscité un maximum de correspondances avec les lignes de métro et de RER. Par ailleurs, c’est bien à l’autorité organisatrice – au STIF, pour ne pas le nommer –, que revient la responsabilité d’assurer la cohérence du futur réseau et la charge d’exploiter le futur métro. Sur ce sujet au moins, les querelles de gouvernance sont, je l’espère – je suis d’un naturel optimiste –, derrière nous.

Ce protocole doit désormais être concrétisé en actes. C’est à cela que nous œuvrons aujourd’hui ! Permettez-moi de vous exposer l’objet du texte que les socialistes soumettent cet après midi.

La proposition de loi que nous examinons constitue, en quelque sorte, le premier acte fondateur du protocole, sa première concrétisation. Elle permettra de « donner le ton » des relations qu’entretiendront l’État et la région dans les semaines et les mois à venir. Constituant un premier stade, cette proposition de loi, comme cela a été dit, a une dimension uniquement territoriale. D’autres points de l’accord devront trouver une réalité par la suite pour prouver le bon vouloir de l’État dans ce domaine.

Au travers de ce texte, nous tâchons de graver dans le marbre ce qui doit être gravé, même si beaucoup de questions restent en suspens.

Nous ignorons ainsi dans quelle mesure l’État compte respecter ses engagements financiers dans un contexte de crise et de réduction de la dépense publique. Vous nous en avez d’ores et déjà dit quelques mots. Comme l’a rappelé Nicole Bricq, nous savons la hauteur de l’investissement régional qui est budgété depuis quelque temps. Pour l’heure, rien n’est certain du côté de l’État. Peut-être nous en direz-vous davantage sur ce point, monsieur le ministre.

Nous attendons des engagements forts, des modes de financement correctement décrits et des prévisions de recettes ! C’est à l’aune de la validité et du degré de précision de ces documents que la sincérité de l’État sera appréciée. Vous nous avez dit que ce qui était déjà inscrit avait pour vous valeur d’engagement.

Le présent texte se concentre sur le SDRIF, qu’il veille à élever au statut de document d’urbanisme opposable. Cela concerne en premier lieu les projets métropolitains – c’est la première partie de l’article unique – puis l’ensemble des communes, au travers de la relance du processus de révision du schéma directeur, révision qui se fera sous la houlette du préfet de région auquel nous souhaitons adjoindre un étroit contrôle du président de la région d’Île-de-France.

Le déblocage nous semble dès lors nécessaire au bon fonctionnement de la région et évite d’entraver davantage les projets métropolitains, sources de la croissance future de notre région.

À cet égard, nous aurions souhaité que le SDRIF soit un document d’urbanisme à part entière et non un plan que chaque commune serait libre de suivre ou non. L’urbanisme ne saurait reposer sur une mosaïque de statuts variant au bon vouloir des édiles, mais doit se fonder sur des règles communes. En ce sens, animés uniquement par la raison, un souci d’efficacité et d’intérêt général, sans autre considération, nous demandions son caractère obligatoire. En tout cas, un caractère purement facultatif ne pouvait être satisfaisant.

Entre ces deux formulations possibles, il semblerait qu’un compromis ait été trouvé par la commission et nous le soutenons.

Cette proposition de loi constitue donc un jalon nécessaire, mais laisse ouvertes un certain nombre de portes qu’il nous faudra emprunter pour permettre une réelle coordination de l’État et de l’ensemble des acteurs. Il reste que le temps passe et que c’est bien la variable qui nous fait le plus cruellement défaut. Nous souhaitons vraiment que cette proposition de loi fasse l’objet d’un vote consensuel et soit examinée très rapidement par l’Assemblée nationale.