CRA Vincennes

Extrait de l’interview de David Assouline par Michel Grossiord
lors du « 18H » sur Public Sénat le 04 janvier 2010

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Identité nationale :

Michel Grossiord : Ca commence à vous intéresser le Débat sur l’identité nationale M. Assouline, avec tout ce qu’on apprend à travers cette analyse lexicale ?

David Assouline : Sur le plan politique, quand M. Besson a lancé le débat au Grand Jury RTL Le Monde LCI, il a annoncé le débat, ça a surpris, il a continué sur la Burqa, il a fini sur sa politique de reconduite et réitéré le fait qu’il y aurait des retours groupés d’Afghans en Afghanistan. Il avait fait directement le lien en annonçant que la clôture du débat aurait lieu une semaine avant les régionales. C’est donc un débat clairement politicien. C’est un signe envoyé, que d’ailleurs l’UMP a relayé.

J’ai fait quelques débats notamment un avec M. Jégo, sans arrêt, il me renvoyait sur la politique d’immigration et les positions du PS sur ce sujet.  Aujourd’hui même alors que M. Besson fait une conférence de presse pour affirmer que le débat sur l’identité nationale n’a rien à voir avec l’immigration, le communiqué de M. Lefebvre stipule que « le PS est gêné car il veut cacher sa politique en matière d’immigration car elle n’est pas populaire ». Ces propos démentent encore ceux de M. Besson.

Que les français, sur un site internet abordent les vraies questions de ce qui fait France, et qui ne sont pas liées à l’immigration, que nous abordions déjà à La Rochelle en septembre avec « la France qu’on aime », c’est autre chose.

Pour discuter de ce qui fait France, il faut discuter de ce qui constitue un projet commun pour l’avenir et comment répondre à la crise. Ce débat n’est qu’un écran de fumé sur les vrais problèmes des français : le pouvoir d’achat, l’emploi, les services publics et l’école.

Michel Grossiord : Quelle est l’utilité de ce qu’on apprend dans ces contributions ?

David Assouline : Je ne suis pas étonné, les français ne sont pas dupes. Ils savent où on veut les emmener. A la question « Qu’est ce qu’être français ? » ils répondent en général : les valeurs de la république, et ce qui fait la grandeur de la France, ce qui impose le respect de la France dans le Monde. Or ce n’est pas la reconduite d’Afghans dans un pays en guerre où ils sont menacés, c’est plutôt les droits de l’Homme. La France n’est plus une puissance économique incontournable, ce n’est plus une puissance militaire, la France c’est un ensemble de valeurs qu’on a porté dans le monde. C’est là dessus qu’il faut plutôt centrer le débat, sur ce qui est positif. Il faut parler du corps social, et de nos spécificités, avec nos services publics, avec notre protection sociale, avec notre école républicaine laïque. Or toutes ces valeurs, sont en contradiction avec la politique de M. Sarkozy. Ce débat n’est qu’une manœuvre grossière et les français ne tombent pas dedans. Ce sont les vrais sujets de la France qui sont abordés dans ces contributions.

Michel Grossiord : M.Sarkozy voulait recadrer le débat, finalement, les français le recadrent-ils eux-mêmes ?

David Assouline : Oui, même si le gouvernement n’avait pas prévu ce cas de figure. Depuis le début, dans les dépêches,  dans l’intervention de M. Besson qui lance le débat, la question de l’identité nationale est liée à l’immigration. C’est un message sibyllin envoyé dans l’esprit des français : notre identité se construit dans l’exclusion des autres, et pas dans le vivre ensemble dans la République.

Michel Grossiord : Ce n’est pas la position de M. Besson cet après midi lors de la conférence de presse. Il va vous faire un procès d’intention…

David Assouline : M. Besson peut me reprocher ce qu’il veut. Il n’a pas grande crédibilité à mes yeux aujourd’hui. En décembre M. Besson s’est rendu compte que les français ne marchaient pas dans ce piège. Aujourd’hui, il y a une tentative de recadrage qui ne trompe personne.

Centre de Rétention de Vincennes :

Michel Grossiord : M. Assouline, ce matin pour la 4e fois, vous vous êtes rendu au Centre de Rétention Administrative de Vincennes, là où sont retenus les sans-papiers en instance d’expulsion. Comment a évolué ce lieu interdit au public ?

David Assouline : Effectivement, tous les parlementaires ont le droit de visiter les lieux carcéraux ou de rétention, à n’importe quel moment et de discuter avec les retenus. Le centre de Vincennes  est un centre de rétention.

Les conditions ne sont jamais très bonnes, la France est souvent épinglée sur les conditions de détention ou, comme ici, de rétention. Les chambres sont exiguës. Jusque là, pour accompagner la politique du chiffre, les capacités d’accueil étaient sans cesses élargies en passant de 140 à 280 places disponibles. Et puis ce drame, de juin 2008, et l’incendie d’un des bâtiments du centre.

Il faut avoir conscience que chaque individu qui arrive vit l’effondrement d’un rêve et se trouve dans une situation de désespoir, pouvant aller jusqu’à la tentative de suicide.

On nous avait promis des améliorations, mais de fait non, étant donné la réduction de la capacité d’accueil du centre suite à l’incendie, il n’y a plus que 60 personnes dans un bâtiment et 60 autres personnes dans un préfabriqué temporaire. Evidemment, sans commune mesure avec les 280 personnes retenues auparavant. Le climat semble donc plus serein.

Mais comme à chaque fois, je suis tombé par hasard, sur un cas, d’un retenu qui n’a pas sa place dans ce centre. Ce matin, c’était M. El Farti, tunisien, qui est en France depuis 2002, dont l’épouse est Française. Il est en CDI dans un hôtel parisien comme réceptionniste de nuit, il paie des impôts, des factures EDF, parle parfaitement le français, ses parents vivent légalement en France ainsi que ses 3 frères. Et il se retrouve dans ce centre de rétention à la suite d’un constat nocturne d’absence de son foyer par la préfecture de police, alors qu’il était au travail ! Il se retrouve donc au centre de rétention de Vincennes depuis plus de 6 jours. Je compte bien intervenir !

Je repense aussi aux jeunes en situation de détresse, un jeune irakien notamment, qui a voulu échapper à son pays en guerre. Il n’a pourtant commis aucun crime…

La politique du chiffre, c’est du n’importe quoi. Tirons les leçons du drame de juin 2008 afin d’éviter la massification de ces centres, comme à Mesnil-Amelot. Il faut que la France humanise ses centres et adopte une autre politique vis à vis des sans-papiers. Cette politique ne fait pas la grandeur de la France dans le monde.