Sur le web, l’UMP cherche la stratégie gagnante pour 2012

Par Bastien Hugues, 14/12/2010

Face à l’échec de son réseau social, «Les Créateurs de Possibles», le parti de Jean-François Copé veut tout remettre à plat pour combler le retard pris sur le PS et sa «Coopol».

Ce devait être le match des réseaux sociaux politiques : à gauche, la «Coopol» du PS ; à droite, les «Créateurs de Possibles» de l’UMP. Lancés en janvier, les deux sites promettaient deux visions différentes du web communautaire. La Coopol se présentait comme un outil militant, d’abord conçu pour faciliter l’organisation des tractages, des réunions ou des collages d’affiches. Les Créateurs, eux, devaient promouvoir une nouvelle forme de démocratie participative, en permettant aux internautes de suggérer ou de soutenir des propositions politiques.

Un an après leur lancement, le bilan est sans appel : même à l’UMP, des cadres concèdent volontiers que la plateforme socialiste a remporté, haut la main, la rencontre. «En 2007, on était bien meilleurs que le PS sur le web. Aujourd’hui, on est loin derrière», constate amèrement un élu de la majorité, bien au fait des questions numériques. «L’UMP a cru que mettre énormément d’argent dans ce site suffirait à le faire fonctionner. La réalité, c’est qu’il n’a aucune utilité spécifique», renchérit David Assouline, secrétaire national du PS à la communication.

Officiellement, l’UMP revendique «plus de 16.000 membres» inscrits sur son réseau social, et recense «plus de 2.000 initiatives». Mais en «off», les langues se délient rapidement pour critiquer la stratégie numérique adoptée par Xavier Bertrand et ses conseillers, le publicitaire Christophe Lambert et le consultant Yves Meulien. «Arrêtons l’hypocrisie : ce site nous a coûté au moins 500.000 euros, pour un résultat proche du zéro», fulmine l’un des artisans de la webcampagne de Nicolas Sarkozy en 2007. De fait, moins d’une vingtaine de propositions comptent plus de 100 soutiens, et «aucun événement» militant n’est planifié sur le terrain, là où l’on en compte plusieurs dizaines chaque semaine sur la Coopol.

Le web face au plan de rigueur de l’UMP

«Les Créateurs ne sont pas adaptés au militantisme de droite, qui se mobilise fortement durant les campagnes électorales, mais très peu en dehors», analyse Emery Doligé, consultant en stratégie digitale. Dès l’annonce du projet en septembre 2009, Arnaud Dassier, le «monsieur web» du parti en 2007, critiquait «un réseau social ultime… pour militant de gauche». «Une belle utopie qui connaîtra le sort des utopies», prévenait-il à l’époque. «L’outil n’était pas adapté au public visé», confirme aujourd’hui le patron d’un important groupe de conseil et de communication. Pour un proche de Jean-François Copé, «le problème est venu de l’empilement de différents prestataires, qui cohabitaient sans travailler ensemble». «L’erreur majeure de Xavier Bertrand et de ses conseillers, c’est d’avoir appréhendé le web comme un outil de communication, et non pas comme un outil de marketing politique», souligne encore Emery Doligé.

«C’est un échec monumental et un centre de dépenses à fonds perdu», peste lui-même Jean-François Copé dans les colonnes du Monde. Si bien que les Créateurs de Possibles devraient purement et simplement disparaître de la toile au mois de janvier, dans le cadre du plan de rigueur décrété par Copépour permettre un retour des comptes de l’UMP à l’équilibre, d’ici à la fin 2011. Les économies réalisées grâce la fermeture prochaine des Créateurs devraient toutefois rester substantielles, «les frais de fonctionnement étant sans commune mesure avec ceux du lancement», souligne un cadre du parti. «Si l’UMP doit faire des économies, elle ferait mieux de les faire ailleurs que sur sa stratégie internet», prévient Arnaud Dassier. «Internet jouera un rôle sans doute marginal dans le résultat de l’élection présidentielle. Mais dans un combat serré, un élément marginal peut jouer un rôle décisif», rappelle-t-il.

«Tout remettre à plat»

2012 peut paraître encore loin, il ne devient pas moins urgent pour l’UMP de bâtir une vraie stratégie sur le web. «On ne peut pas s’y mettre six mois avant», note Thierry Solère, un temps chargé des questions numériques à l’UMP. Si le parti refuse pour l’instant de communiquer sur le sujet, une nouvelle organisation devrait être arrêtée courant janvier. En tant que directeur de cabinet de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux devrait en avoir la responsabilité officielle, tandis que la direction exécutive devrait revenir à son adjoint, Pierre Chassat. «L’idée de Jean-François est de tout remettre à plat et de simplifier les choses, en partenariat étroit avec l’Elysée», explique un proche de Copé. «On va abandonner le commentaire d’actualités pour se tourner davantage vers l’action militante», ajoute un autre.

«Ce qui est positif, c’est que contrairement à Bertrand, Copé est très sensible aux nouvelles technologies», se réjouit le consultant Emery Doligé. Pour lui, l’un des éléments clés va résider dans l’appropriation ou non des réseaux sociaux par les militants. «Sur Facebook, sur Twitter ou sur les blogs, il ne faut pas hésiter à afficher son orientation politique, à se revendiquer comme militant. Le problème, c’est que depuis trois ans et demi, les militants UMP sont à nouveau complexés d’être de droite…».