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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Séance publique le 17 juin 2010
Questions au gouvernement

Monsieur le Président, mes chers collègues,
Monsieur le 1er Ministre,

Je veux vous faire part d’un profond malaise et d’une inquiétude partagée par toutes celles et ceux qui sont attachés à la liberté, au pluralisme et à l’indépendance de l’information.

Nous apprenions la semaine dernière que le Président de la République aurait appelé, et même convoqué le directeur du journal Le Monde pour lui indiquer que si tel candidat à sa recapitalisation était choisi, le journal ne pourrait plus compter sur l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignations pour aider son imprimerie. Cette nouvelle ingérence de l’exécutif, cette pression sur ce quotidien  « de référence », intervient alors que l’ensemble du paysage médiatique et de l’information dans notre pays est mis progressivement sous influence directe ou indirecte de l’Elysée.

Il y a bien sûr l’audiovisuel privé et des grands groupes de presse détenus en grande partie par les amis proches (Bouygues, Lagardère, Arnault, Dassault), il y a l’audiovisuel public mis sous tutelle financière et politique avec la nomination prochaine du PDG de France Télévision par Nicolas Sarkozy.

Il y a, en profondeur, la Presse Quotidienne Régionale, notre fleuron et richesse de la presse quotidienne, encore si populaire et si proche de nos concitoyens, dont la multiplicité des titres maintenus n’est plus que le paravent de concentrations entre les mains de quelques grands groupes qui petit à petit tuent la diversité et la pluralité des contenus et des expressions.

Tout le territoire national est touché, mais je ne vous citerais qu’un exemple : Savez-vous qu’en Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Rhône-Alpes, l’ensemble des titres de la PQR est contrôlé, directement ou indirectement, par le groupe bancaire « Crédit Mutuel Centre Est Europe » dont les dirigeants sont réputés proche du Président de la République ?  Vous semble-il normal et sain qu’aujourd’hui un même groupe bancaire contrôle, en situation de monopole, pas moins de onze titres de presse quotidienne sur vingt-deux départements allants des frontières belge et allemande jusqu’à Avignon et Gap ?

Victor Hugo, ici-même, sur ce banc, disait :

« Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. »

N’est-ce pas de cela dont il est question aujourd’hui pour vous : contrôler la presse pour obscurcir le choix du suffrage universel en 2012 ?