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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Commission des Affaires culturelles
12 juillet 2010


Cher Monsieur Pfimlin,

Vous avez donc été nommé par le Président de la République, qui pourra vous révoquer aussi quand bon lui semblera.

Epargnons-nous les faux-semblants, le CSA, les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat, ne sont consultés que pour entériner cette décision, l’habiller du vernis de la délibération indépendante alors qu’un tel mode de nomination est une régression pour l’indépendance, le pluralisme et la liberté de l’audiovisuel public.

C’est une exception malheureuse dans l’Europe d’aujourd’hui.

C’est pour cette raison d’ailleurs que mon groupe ne prendra pas part au vote, nous ne cautionnerons d’aucune manière ce mode de nomination.

Ce sera donc vous.

Vous êtes un professionnel reconnu, qui connaît bien cette formidable maison, et vous auriez très bien pu être choisi dans le cadre d’une procédure ouverte et indépendante.

Donc notre sujet d’aujourd’hui n’est pas tant de vous juger, de vous jauger, de vous comparer à d’autres, il n’y a pas de choix.

Non, il s’agit plutôt de se projeter dans l’avenir et de vous demander comment vous allez diriger France-Télévision, crédibiliser son indépendance, alors que le président Nicolas Sarkozy vous a mis un tel boulet aux pieds ?

Un exemple, puisque c’est d’actualité, verra -t-on encore le service public humilié dans des interviews du Président qui ressemblent d’abord à des faire-valoir obséquieux, le laissant dire des contre-vérité sans le reprendre ?

Plus généralement, comment allez-vous assurer le maintien et le développement d’une information de qualité, honnête, complète et pluraliste ?

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour assurer en toutes circonstances l’indépendance de toutes les rédactions ?

En particulier pour continuer à faire vivre cette information tant appréciée de France 3 dans nos régions ?

50 heures d’informations journalières, en France et dans le monde, 2500 journalistes qui ont l’honneur de travailler pour le service public, méritent bien une attention particulière pour que leur travail serve à notre démocratie, et crédibilise une télé citoyenne que vous appelez de vos vœux, d’autant que les ingérences connues du pouvoir politique actuel jettent le trouble.

Comme vous le savez, nous jugeons que la dernière réforme de l’audiovisuel public l’a mis sous tutelle financière et politique.

Supprimer la publicité ne pouvait être une fin en soi.

L’essentiel c’est la pérennité et la diversité de ses ressources, qui ne le fassent ni dépendre entièrement du commerce (la publicité) ni du bon vouloir d’un gouvernement dont les priorités budgétaires peuvent varier d’un moment à l’autre.

Sans revenir sur le passé, au vu de la situation financière de l’état, des recettes comme la taxe sur les télécoms qui ne sera pas au rendez-vous, garder au moins par un moratoire, la publicité avant 20h, serait sage.

Donc, parce que cela vous concerne plus directement, prendrez-vous la décision de garder la régie publicitaire qui a réussi à collecter plus de 430 millions d’euros cette année ?

Et puis, Monsieur Pfimlin, vous savez que France Télévision est le débouché naturel pour la création de qualité, pour sa diversité, pour son impertinence parfois.

Autant le média global, et l’entreprise unique, a reçu notre soutien conceptuel, (même si nous resterons attentifs à ce qu’aucun salarié ne soit laissé sur le bord du chemin dans le processus de réorganisation engagé, et que le dialogue social soit respecté jusqu’au bout), autant le guichet unique nous a interrogé depuis le début.

Cette première année nous conforte dans l’idée que c’est un frein à la création, à la pluralité, et qu’il faudrait changer cela. Qu’en pensez-vous ?

Pour conclure, parce que nous aurons l’occasion d’aborder ensemble tous les sujets, je veux vous souhaiter bonne chance, à vous et pour le service public.

J’espère que vous voudrez et saurez trouver autant que possible le chemin difficile de l’indépendance, de la liberté et du pluralisme de cette formidable maison.

J’espère que vous ne penserez jamais ni à celui qui vous a nommé ni à votre possible révocation par celui qui vous a nommé, quand vous aurez à décider, à nommer vous-même un tel ou une telle, par exemple pour diriger l’information.

Ne vous offusquez pas que je puisse même poser la question, Jean-Luc Hess m’avait fait cette remarque ici, et puis, et puis… je trouve la question encore plus pertinente à la lumière de cette expérience

Sincèrement, bon courage !