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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
séance publique le 21 janvier 2010
Délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (Deuxième lecture)

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Certains événements déterminent l’engagement politique d’un homme. Pour moi, ce fut le gigantesque charcutage électoral de M. Pasqua, qui me révoltait parce qu’il attentait au principe même de la démocratie. Vingt-trois ans après, cela recommence. Certes, M. le ministre s’est voulu plus discret que M. Pasqua, afin d’éviter le scandale. Il n’a jamais accepté le débat. Il aurait pourtant fallu trouver un consensus sur une procédure de redécoupage claire et équitable, afin que pour être majoritaire à l’Assemblée nationale, il fallût être majoritaire en voix : car l’Assemblée nationale représente la Nation tout entière. Il fallait respecter ce principe fondamental de la démocratie : un homme, une femme, une voix. Mais désormais une voix de gauche vaudra moins qu’une voix de droite. En vertu du découpage actuel, déjà, il fallait à la gauche 50,4 % des voix pour être majoritaire ; il lui en faudra 51,4 % selon l’étude jamais démentie du député M. Bruno Le Roux. Sur les 33 circonscriptions qui disparaissent, 23 étaient à gauche, dix à droite. Sur les 33 créées, neuf sont susceptibles d’être emportées par la gauche, 24 par la droite. L’UMP raflera seule la mise.

Vous aviez escompté que cette réforme passerait inaperçue, les Français étant trop occupés par les conséquences de votre politique économique et sociale inefficace et injuste. Mais la machine s’est grippée : la presse et l’opinion se sont émues, et ici même le texte a été inopinément rejeté. Votre mandat consiste à faire triompher l’UMP coûte que coûte, et pour cela vous ne manquez pas d’imagination : après avoir charcuté les circonscriptions législatives, vous vous apprêtez à faire de même pour les cantons. Les conseillers généraux et régionaux sont-ils majoritairement à gauche ?

Qu’à cela ne tienne, vous entendez les remplacer par des conseillers territoriaux élus au suffrage uninominal à un tour, afin d’avantager l’UMP, hégémonique dans son propre camp mais qui ne dispose d’aucune réserve de voix au second tour. Un candidat UMP pourrait ainsi être élu avec 30 % des voix, voire moins ! Notre démocratie mérite mieux que ces réformes de convenance. Paris fait l’objet d’une attention particulière de la part de votre Gouvernement et de la Présidence. Par le biais du redécoupage et du grand Paris, vous cherchez à récupérer le pouvoir autrement qu’en convaincant les électeurs. Paris perd trois députés ; le nombre d’habitants par circonscription y sera l’un des plus élevé de France. Si vous n’en aviez supprimé que deux, cette proportion serait à peu près équivalente à la moyenne nationale… Vous avez décidé d’emblée que la gauche ferait les frais de ce redécoupage. La première circonscription de Mme Billard, dont la population était équivalente à la moyenne parisienne, se trouve pulvérisée. Vous avez cherché à déplacer vers le nord la onzième circonscription de M. Bloche, en lui adjoignant des quartiers acquis à la droite du sixième arrondissement et en en excluant le sud du quatorzième arrondissement, plus à gauche. Vous n’avez pas hésité à créer des circonscriptions surpeuplées à l’est et sous-peuplées à l’ouest. Vous n’avez tenu aucun compte de la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle les frontières des circonscriptions doivent être aussi proches que possible de celles des arrondissements et des quartiers administratifs. Au nord-ouest de Paris, vous deviez supprimer une des circonscriptions du seizième arrondissement, sous-peuplées ; pour ne pas faire perdre un siège à la droite, vous avez cherché à noyer les voix de gauche dans la dix-septième circonscription de Mme Lepetit, en y rattachant le huitième arrondissement. Vous y avez finalement renoncé, devant l’avis défavorable de la commission Guéna et du Conseil d’État. Sachez que si le Conseil constitutionnel valide ce projet, nous continuerons à alerter les Français et notamment les Parisiens. Car cette réforme est un appel lancé aux électeurs, afin qu’ils soient encore plus nombreux à voter à gauche s’ils veulent l’alternance. Et ils la voudront, je n’en doute pas, pour sanctionner votre politique économique et sociale injuste et votre mépris de la démocratie.