INTERDICTION DU CUMUL DE FONCTIONS EXÉCUTIVES LOCALES AVEC LE MANDAT DE DÉPUTÉ OU DE SÉNATEUR ET LE MANDAT DE REPRÉSENTANT AU PARLEMENT EUROPÉEN

N’étant pas membre de la commission des lois et n’étant pas prioritaire pour prendre la parole, je me suis peu exprimé jusqu’à présent, mais mes collègues l’ont fort bien fait au cours de ce débat. Toujours est-il que je tiens à faire connaître ma position.

Je ne voterai pas le projet de loi organique tel qu’il ressort des travaux du Sénat. En introduisant une exception pour les sénateurs, il dénature le texte initial du Gouvernement, que je soutiens, et qui est celui du parti socialiste.

Il était évidemment légitime qu’un débat spécifique s’engage ici. En effet, la Constitution dispose non pas que le Sénat « représente les collectivités » mais qu’il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Cela signifie que c’est le corps électoral des sénateurs, avant tout des élus locaux, qui assure cette représentation.

J’étais favorable au texte initialement présenté par le Gouvernement, au nom de l’efficacité du travail parlementaire. J’en ai fait moi-même l’expérience : une fois élu sénateur, j’ai démissionné de l’exécutif local dont j’étais membre parce que cet engagement dans ma collectivité nécessitait déjà une disponibilité supérieure à un plein temps. Vous le savez tous, dans ces fonctions, on travaille plus que huit heures par jour, on travaille également tard la nuit. Pour ma part, j’ai considéré qu’il me serait très difficile de concilier cette fonction avec mon mandat parlementaire. Bien sûr, il est toujours possible de déléguer.

Mais si l’on veut rester à la tête d’une collectivité locale, pourquoi ne pas renoncer à son mandat de sénateur, le déléguer, en choisissant celui qui pourrait le mieux la représenter ?

Plus fondamentalement, ce non-cumul, qu’il s’agisse des sénateurs ou des députés, c’est l’assurance d’un travail parlementaire efficace et donc d’un renforcement de la fonction de parlementaire. Plus nous aurons le temps de nous y consacrer, plus nous réussirons à faire bouger les lignes et à faire en sorte que l’exécutif, quel qu’il soit, respecte notre travail. Je précise bien « quel qu’il soit », car on sait bien que l’exécutif a toujours la tentation de vouloir aller vite. En face, tout parlementaire a à cœur que son travail soit respecté, que le temps pour la délibération soit observé. C’est d’ailleurs ce qui justifie la séparation des pouvoirs.

Par ailleurs, la fin du cumul permettra, dans chacune de nos circonscriptions, à un plus grand nombre de femmes d’accéder aux fonctions électives, d’assurer un plus grand renouvellement et une meilleure représentation de la diversité sociale de notre pays – même si ce combat continue et qu’il n’est pas gagné d’avance.

En tant que sénateurs, nous faisons la loi, à égalité avec un député. C’est notre force ! Nous examinons tous les textes, en ayant à cœur l’intérêt général. Dès lors que nous établissons une distinction, que nous introduisons une inégalité entre député et sénateur, cela signifie que, finalement, nous ne sommes plus l’émanation de la République une et indivisible, que nous ne représentons plus l’intérêt général, qui dépasse celui de telle ou telle collectivité. Par la création d’un tel précédent, on supposera forcément que nous appréhendons les lois à l’aune des intérêts du territoire dont nous sommes l’élu. Bien entendu, nous devons tenir compte de ce territoire parce que c’est la base du corps électoral qui nous a désignés, mais gardons-nous de jamais nous considérer comme les représentants de collectivités, car nous sommes avant tout les représentants de la République et les défenseurs de l’intérêt national dans son ensemble.

Pour toutes ces raisons, et afin que le Sénat conserve tout ce qui fait sa force, n’établissons pas cette distinction. C’est un débat de fond, et il n’était pas nécessaire de procéder à des attaques personnelles, de mettre en cause les positions des uns et des autres, qui, toutes, sont absolument légitimes et dont l’exposé nous a permis de rehausser le débat.

Beaucoup ont évoqué un possible affaiblissement du Sénat eu égard à cette question de la représentation. J’ai évoqué ce point tout à l’heure, cela fait longtemps que notre assemblée est questionnée ; c’est pourquoi elle doit montrer qu’elle est en phase non pas avec tel ou tel populisme, mais avec le mouvement de rénovation de la vie politique que souhaite une majorité de nos concitoyens.

Plus cette rénovation progressera, plus le Sénat aura de l’influence et sera respecté, non seulement par les autres pouvoirs, mais aussi et surtout par le peuple. Soutenons les efforts du président du Sénat pour rénover notre institution au lieu d’introduire le doute. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

Bravo à Jean-Pierre Bel de continuer dans cette voie et bravo à tous ceux qui, ici, quelle que soit leur position, ont bien voulu débattre du rôle du Sénat !