Nominations dans l’audiovisuel public : la vraie honte serait de remettre en cause l’indépendance  des médias

📰  Le Monde

📅 9 février 2018

✏️ Alexandre Piquard


Que pensez-vous de la volonté de réformer le mode de nomination actuel ?

J’ai la fierté d’avoir fait adopter un amendement qui introduit dans la Constitution « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Aujourd’hui, la vraie « honte » serait de remettre en cause ces principes. L’exécutif a le projet de confier le pouvoir de nomination au conseil d’administration des entreprises concernées. Mais qui nommerait les conseils d’administration ? Pour l’instant, une proposition de loi est sur la table, celle du sénateur André Gattolin [LREM] : celui-ci prévoit que la majorité des membres soit désignée par le premier ministre. Même Nicolas Sarkozy n’avait pas été aussi loin : avec lui, l’exécutif nommait les PDG des entreprises d’audiovisuel public, mais pas les conseils d’administration !

Mais M. Gattolin « garantit l’impartialité », en faisant valider le nom des membres des conseils d’administration par les 3/5e des commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat…

Certes, mais il n’y a pas de choix entre plusieurs candidats. Les seuls noms proposés sont ceux avancés par le premier ministre.

Pour l’exécutif, le CSA ne peut pas à la fois nommer et contrôler les dirigeants…

C’est pourtant ce qu’il vient de faire en destituant Mathieu Gallet, qu’il avait nommé président de Radio France… Le débat entre CSA et conseil d’administration est légitime, si l’on est d’accord que l’instance de nomination doit être indépendante du politique. Je ne défends pas le CSA à tout prix comme instance de nomination, d’autant que j’ai vivement critiqué, à l’époque, la procédure non transparente, sans publicité des auditions et des débats, qu’il avait mise en œuvre. Je défends l’indépendance. Il n’y a pas de système parfait, mais la solution actuelle peut être améliorée.

Les conseils d’administration peuvent-ils être rendus plus indépendants ?

Qui le propose ? A ce stade, la seule proposition est le texte de M. Gattolin. Et si certains veulent changer le mode de nomination, c’est peut-être qu’ils ont des idées derrière la tête. Certains considèrent que l’Etat doit nommer les PDG de toutes les entreprises publiques : j’ai eu un échange avec un membre de l’exécutif qui ne voyait pas de raison que le gouvernement désigne le patron de la SNCF et pas celui de France Télévisions ou de Radio France. Mais ces dernières sont-elles des entreprises publiques comme les autres ? On oublie que les médias sont des entreprises particulières et que la Constitution proclame leur indépendance.


J’ai la fierté d’avoir fait adopter un amendement qui introduit dans la Constitution « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

David Asssouline, Vice-président du Sénat, sénateur de Paris, membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication
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