La question des médias audiovisuels « va devenir un enjeu politique central »

La question des médias audiovisuels « va devenir un enjeu politique central »

Sur le Blog du Monde  « Le Puzzle Socialiste » le 23 janvier 2010 par Jean-Michel Normand

Les chevau-légers du PS (…et tant pis si certains d’entre eux ne font pas toujours dans la finesse) se sont lancés à l’assaut de la citadelle de la télé-Sarkozy. Dans l’édition du Monde datée 24-25 janvier, Vincent Peillon persiste dans sa charge contre le service public. Dénonçant « la servilité » des dirigeants de France Télévision, il dit ne rien regretter du lapin posé à Arlette Chabot le 14 janvier sur France2 et assure apporter des éléments à sa décharge. De son côté, la direction de France Télévisions s’est dite « indignée des propos injurieux et mensongers » tenus par l’eurodéputé.

En fait, une émission chasse l’autre. L’ire socialiste se mobilise désormais contre ce grand moment de télévision que devrait être, lundi 25 janvier, la participation de Nicolas Sarkozy, sur TF1, à l’émission spéciale, « Paroles de Français » quelques jours avant le début du décompte des temps de parole pour les élections régionales. Le président de la République devrait passer une soirée pas trop difficile sur la chaine de son ami Martin Bouygues qui a délégué pour le mettre sur le grill l’impertinente Laurence Ferrari et la légende de la profession qu’est Jean-Pierre Pernaud. Le porte-parole du PS, Benoît Hamon en appelle au CSA et ironise en considérant que le président de la République étant supposé « être intégré dans le temps de parole du gouvernement pour tout ce qui concerne la politique intérieure » il ne « devrait pas y avoir en théorie beaucoup de (membres du) gouvernement sur TF1 pendant un mois ». Reste à savoir s’il parlera tant que cela de politique intérieure. Patrick Bloche, député de Paris et secrétaire national du PS chargé des médias, considère dans une interview au Post qu’une « nouvelle fois, la communication présidentielle bénéficie d’un relais complaisant de la part de TF1 ». Selon lui, « on retrouve les liens coupables entre Sarkozy et les groupes industriels qui contrôlent les grands groupes de médias ».

Les montées au créneau des socialistes contre la télé pro-Sarkozy n’ont rien d’inhabituel. La question est de savoir si, cette fois, une phase nouvelle s’ouvre. Depuis quelques semaines – en particulier depuis le lancement du débat sur « l’identité nationale » – les rapports entre la télévision et le pouvoir ont-ils franchi un échelon supplémentaire ? Enregistrent-ils un « saut qualitatif » ? Deux thèses sont en présence. Samedi, lors de « la journée d’étude et de travail » du Rassemblement social, écologique et démocrate organisé à Paris, Vincent Peillon a de nouveau sonné le tocsin en s’inquiétant de la « Berlusconisation » du pouvoir et d’une « régression démocratique », appelant les « démocrates » à « se ressaisir collectivement ». David Assouline, sénateur PS partage cette thèse. Il considère que la question des médias audiovisuels « va devenir un enjeu politique central » dans la perspective de la prochaine présidentielle.

D’autres livrent une vision moins systématique « On ne peut pas dire qu’il y ait un changement qualitatif » estime l’avocat Jean-Pierre Mignard. « Sarkozy utilise à son profit les médias audiovisuels qui se focalisent trop sur le traitement événementiel de l’actualité et accordent donc une place excessive au débat lancé par le gouvernement sur l’identité nationale » estime-t-il. « Parler de Berlusconisation, c’est excessif, souligne pour sa part François Rebsamen. La situation est préoccupante mais – hélas – elle découle des pratiques habituelles du pouvoir. Bref, cet épisode ne constitue pas une surprise ». Présent à la réunion du Rassemblement, Robert Hue trouve « gravissime » ce qu’il considère comme une « instrumentalisation » des médias. Lui aussi discerne-t-il un changement de nature ? « Je me garde des épithètes » répond, hardi mais prudent, l’ancien secrétaire général du PCF.

Quant à Jean-Luc Bennahmias, ex-Vert passé au MoDem, il a apporté samedi un commentaire empreint d’une intéressante profondeur historique. « En matière de privatisation des médias et du rôle confié à de grands industriels dans le secteur de la télévision, il semble me souvenir que la gauche a joué un certain rôle dans les années 80 » a fait remarquer le député européen.