AB Groupe, fondé par Claude Berda en 1999, a annoncé, le 11 juin dernier, avoir signé un accord concrétisant la cession de la chaîne TMC à TF1, qui prendrait aussi, par la même occasion, le contrôle de NT1. Le montant de la transaction approcherait les 200 millions d’euros.

Affaiblie par la dégradation du marché publicitaire et par le développement accéléré de la concurrence que représente la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite, la filiale du groupe Bouygues, qui a longtemps dominé sans partage le paysage audiovisuel français (PAF), reprend donc l’offensive. Après avoir raté le virage de la TNT, TF1 mobilise ainsi ses moyens financiers pour conquérir ce que d’autres ont construit, avec le seul objectif de rester leader du PAF.

Cette stratégie, sans doute légitime sur le strict plan économique, pose cependant question dans un secteur qui est non seulement un marché mais aussi et surtout une puissante machine à « fabriquer » l’opinion, du moins à l’influencer.

De ce point de vue, la droite au pouvoir fait tout pour permettre au groupe Bouygues, dont le principal dirigeant est notoirement proche du chef de l’Etat, de préserver son empire audiovisuel : après le cadeau de la « fréquence supplémentaire » dans la loi de 2006 sur la télévision du futur, c’est le relèvement du seuil anti concentration pour la détention d’une chaîne hertzienne nationale dans la loi de modernisation de l’économie d’août 2008 qui permet aujourd’hui à TF1 de devenir seul propriétaire de TMC et actionnaire majoritaire de NT1.

Certes, l’Autorité de la concurrence s’inquiète à juste titre du risque de position dominante de TF1 sur le marché de la publicité audiovisuelle suite à ces acquisitions. Mais rien n’interdit à TF1 de continuer ses emplettes sur le marché de la TNT gratuite.

Si « gouverner, c’est dominer les imaginations » comme l’affirmait Necker, alors Sarkozy a tout intérêt à laisser la filiale de son ami Bouygues, dont une partie significative des revenus est par ailleurs assurée par des travaux de l’Etat, accroître son emprise sur le PAF, au détriment de la diversité et du pluralisme.

Il est donc plus que jamais urgent de mener le combat en faveur de l’adoption d’une législation interdisant aux marchands de béton ou de canons d’être propriétaires de chaînes de radio, de télévision ou de journaux, afin de mettre fin à un curieux mélange des genres bien français où la liberté de l’information semble réduite au statut de vœu pieux.