Par Tefy Andriamanana, L’express.fr publié le 16/112009

Les socialistes viennent de déposer une proposition de loi visant à interdire aux groupes faisant affaire avec l’Etat de posséder des médias. Une mesure qui vise à défendre le pluralisme dans le secteur.

Un « mélange des genres ». C’est ainsi que David Assouline et Patrick Bloche, sénateur et député PS de Paris décrivent le fait que des groupes faisant affaire avec l’Etat possèdent également des médias. C’est le cas du groupe de BTP Bouygues avec TF1, de Lagardère, actionnaire d’EADS, avec le JDD, Europe 1 et Paris Match et l’avionneur Dassault, avec le Figaro.

Ils défendront leur position dans deux propositions de loi identiques, qui seront défendues mardi au Sénat et jeudi à l’Assemblée.

Pour se justifier, les deux parlementaires pointent le risque de conflit d’intérêt. Dans Libération, David Assouline raconte cette histoire datant de l’époque où le groupe Dassault détenait l’Express: « Prenez l’exemple des caricatures de Mahomet que Denis Jeambar, alors directeur de l’Express, a publiées [en février 2006 ndlr]. Serge Dassault […] l’avait appelé la veille en lui demandant de ne pas le faire, car le président de la République partait vendre ses Rafale en Arabie Saoudite. » Dans ce cas, les pressions n’auront finalement rien changé.

« On n’est pas au pays des Bisounours »

Les journalistes seraient-ils capables de résister aux pressions? Les deux parlementaires sont moins optimistes. « On n’est pas au pays des Bisounours », s’est exclamé David Assouline, lundi lors d’une conférence de presse.

C’est évidemment le chef de l’Etat qui est visé à travers ce texte. Arnaud Lagardère et Martin Bouygues, patrons des groupes éponymes étant également des intimes de Nicolas Sarkozy. Une autre illustration des « liens coupables » entre Etat et médias avec également l’affaire des sondages selon Patrick Bloche. Le député fait aussi un parallèle avec la situation italienne: « La France de Sarkozy et l’Italie de Berlusconi se ressemblent ». Silvio Berlusconi, président du Conseil, est également propriétaire du groupe Mediaset qui contrôle des journaux et des chaînes de télé.

Une proposition de loi qui ravit Marielle de Sarnez, n°2 du MoDem, jointe par LEXPRESS.fr. Peu étonnant, la mesure était une des promesses phares de François Bayrou durant la campagne présidentielle. « Si les socialistes partagent notre position tant mieux », se réjouit-elle. L’eurodéputée demande aussi l’inscription du principe d’indépendance des médias dans la Constitution.

Dassault gardera quand même Le Figaro

Mais le texte des parlementaires ne sera pas révolutionnaire. Car comme tout texte de loi, il n’est pas rétroactif. « Si la loi est votée, Dassault ne sera pas obligé de vendre le Figaro« , a admis Patrick Bloche. En revanche, la loi s’appliquera lors du rachat d’un journal ou de la renégocation d’une autorisation d’émettre accordée à une chaîne de télé ou une radio par le CSA. En revanche, rien n’est prévu pour les sites web d’information. « Le problème ne se pose pas encore », selon Patrick Bloche.

Autre point d’interrogation, la part maximale de chiffre d’affaires réalisée avec l’Etat qui sera requise pour prendre le contrôle d’un média. Le texte ne parle que des « sociétés ou entreprises dont l’activité est significativement assurée » par des contrats avec l’Etat. David Assouline a répondu qu’il y avait encore des « négociations à faire », ne dévoilant aucun seuil précis.

En 1998, une loi sur le sujet avait déjà été défendue par Catherine Trautmann, ministre PS de la Culture. Un texte resté sans suites.