Intervention de David Assouline au Conseil de Paris – Mardi 29 septembre 2009

Une rupture de confiance. Voilà ce qu’a provoqué le projet de loi sur le Grand Paris. Ce sont les mots choisis par les 99 collectivités territoriales réunies dans le syndicat « Paris Métropole ». Pourquoi ? Ils le disent nettement dans leur déclaration du 25 septembre. Nous refusons d’être dépossédés de notre légitime capacité à agir avec nos concitoyens sur la transformation de nos territoires.

Puis, ils poursuivent : ils sont pour une logique de contrat, contre l’autorité du décret ou de la directive territoriale.

Une remise en cause de la décentralisation, voilà ce que le Maire de Neuilly déclarait au JDD ajoutant, le Grand Paris ne pourra se faire qu’avec un seul acteur, l’Etat. Attention à ne pas oublier les dialogues  et concertations, enrichissement partagé pour regarder l’avenir de notre région. C’est le Président du Conseil économique et social d’Ile-de-France, Jean-Claude BOUCHERAT, qui le déclare et ajoute : « un travail partenarial renforcé entre l’Etat stratège et les collectivités territoriales concernées, c’est bien la ligne qu’il faut suivre. A partir de là, en lisant le projet de loi, nous avons quelques interrogations, on devrait presque dire quelques doutes ».

La méthode actuellement déployée balaie d’un revers de main le rôle des élus locaux. Voilà ce que disent 42 élus de la communauté d’agglomération du plateau de Saclay, qui font part de leur exaspération et demandent une gouvernance partagée Etat/élus au sein de laquelle les élus siègent à parité avec l’état dans le cadre de l’établissement public « Paris Saclay ».

Je passe sur les multiples délibérations des conseils généraux et des villes de la Région Ile-de-France, qui vont toutes dans le même sens, car la méthode pour aboutir à ce projet de loi, comme le contenu du projet, ont un point commun : la confiscation de la démocratie.

Sur la méthode encore une fois, on peut se sentir trompé par le Président de la République qui disait dans son fameux discours de Chaillot « cette nouvelle page de l’histoire de Paris, nul ne peut l’écrire seul. Nous devons l’écrire tous ensemble avec le Gouvernement, avec tous les élus d’Ile-de-France et tous les franciliens ».

Voilà que nous arrive ce projet qui n’a été discuté, encore moins élaboré ni avec les élus locaux ni bien sûr jamais avec les Franciliens. On pouvait se méfier, car il avait ajouté en forme de dénégation de quelque chose que personne ne pensait lui reprocher, parce que ce n’est pas son genre, il disait : »le Grand Paris, ce n’est pas un projet qui appartient à un parti, qui appartient à un camp ». Clairement, Mesdames et Messieurs de l’U.M.P., si vous soutenez ce projet contre l’avis de la grande majorité des élus franciliens, vous en ferez un projet U.M.P. qui loin d’être un grand pour Paris rabaisse notre capitale et l’Ile-de-France tout entière.

Sur le contenu, pour notre régénération arrivée à la politique avec la décentralisation et l’essor de la démocratie locale au début des années 80, avec la fin de la Préfecture de la Seine, sa bureaucratie, son « verticalisme » absolu, sa négation de la démocratie locale et des élus, ses décisions arbitraires qui ont conduit à temps d’erreurs, qui ont causé le malheur de nombreux Franciliens et de Parisiens.

Pour notre génération qui a mis fin à la Région et au Paris confondus avec les intérêts d’un clan et d’un parti, qui a redonné aux arrondissements une place d’acteurs à part entière, qui a créé les premiers conseils de quartier dans la Capitale, qui a fait débattre les citoyens de tous les aménagements et pendant de longs mois, du nouveau Plan local d’urbanisme avec des milliers de propositions directement issues des conseils de quartier, ce projet de loi n’est pas seulement un retour en arrière, c’est une provocation, une réaction sur toute la ligne.

Si ce texte est voté, serait donc créée une société du Grand Paris. L’Etat détiendrait la majorité, tous les pouvoirs relèveraient de lui et de lui seul. Ainsi l’Etat reprendrait le contrôle des transports, il en fixerait les tracés, les niveaux de service, le gestionnaire, et les élus locaux assureraient le financement de l’exploitation sans avoir été associés à sa définition.

Par l’intermédiaire de cette société au pouvoir dérogatoire, l’Etat pourrait décider de l’avenir des territoires entiers dans les villes d’Ile-de-France qui serait desservies par les nouvelles lignes de transports. Sur ces territoires, l’Etat fixerait le droit des sols et disposerait de droits exorbitants, celui de préemption supplantant celui des collectivités. Ainsi, les procédures de débat public seraient tellement accélérées qu’elles ne permettraient pas une sérieuse consultation des habitants sur des projets qui les concerneront pourtant dans leur vie de tous les jours.

Par exemple, l’enquête publique d’Arc Express qui est lancée depuis juillet serait arrêtée. Qu’est-ce qui la  remplacerait et quels délais seraient assurés ? On s’assoit sur les élus et leur légitimité démocratique. C’est d’ailleurs, en contradiction flagrante, je le souligne, avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. On nie les droits des citoyens, conquis pas à pas en matière de transparence et de débat public. On présente cela comme un projet moderne, mais cela sent la naphtaline de l’époque de la préfectorale.

La gouvernance d’une métropole monde dans ce début du XXIe siècle ne peut pas se concevoir avec tant d’archaïsme, de verticalisme et de bureaucratie.

Mais voilà ! Il était une fois un « omniprésident » qui voulait tout diriger, tout contrôler, tout imposer ! Il voulait parler à Versailles devant les parlementaires qui ne pourraient pas lui répondre, il l’a fait. Il voulait nommer les juges, il l’a fait. Il voulait nommer et révoquer les dirigeants du service public de l’audiovisuel, il l’a fait.

Ce n’est pas fini. Il est boulimique, le président ! Après le pouvoir exécutif, législatif, judiciaire et médiatique, il avait encore un pouvoir de résistance, celui des territoires. Avec ce projet de loi et celui qui arrive sur les collectivités locales, il veut maintenant s’y attaquer. Mais, j’en suis sûr, il n’a pas mesuré ce qu’il a en face de lui. Pas seulement des élus combatifs mais des citoyens très attachés à la démocratie locale, parce que dorénavant elle irrigue leur vie quotidienne.

Là où l’Etat doit être vraiment présent, il se désengage ou disparaît. La Poste que l’on veut privatiser, l’Education nationale et la Politique de la Ville que l’on asphyxie et j’en passe. C’est une heure de vérité aussi pour vous, élus locaux de la majorité présidentielle. Allez-vous vous asseoir sur votre propre légitimité d’élus locaux et de membres de collectivités territoriales censés défendre leurs prérogatives, leur utilité et leur fonction définies dans la Constitution. Allez-vous défendre des droits démocratiques des citoyens à intervenir sur des décisions qui concernent leur vie quotidienne alors qu’ils vous ont confié, comme à nous, le mandat ?

Ou allez-vous accepter d’être réduits encore une fois à la fonction de simples supplétifs d’un homme, le président qui se laisse aller à une conception de l’Etat que plus personne ne peut accepter dans une démocratie vivante.