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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Projet de loi en procédure accélérée relatif au Grand Paris
séance publique le 06 avril 2010
Rappel au règlement


Mr le président, Mr Le ministre, mes chers collègues,

Au nom de mon groupe, je fais ce rappel au règlement pour vous demander solennellement de retirer ce texte de loi illégitime, élaboré au mépris de la démocratie locale et de ce qui fonde dorénavant notre République qui stipule dans son article 1 qu’elle est décentralisée, au mépris  aussi de la place et du rôle que notre haute assemblée, chambre représentative des collectivités territoriales, occupe dans l’élaboration de la loi quand il s’agit de l’organisation territoriale, au mépris enfin de l’expression du peuple souverain lors des dernières élections régionales qui a rejeté la liste qui portait ce texte et qui a confirmé l’équipe de Mr Huchon qui s’y oppose avec la plus grande fermeté.

En effet, la création du Secrétariat d’Etat à la Région Capitale et la mise en chantier par celui-ci, sans aucune concertation, du projet de loi « Grand Paris », viennent remettre en cause ce principe de l’article 1 de la Constitution et les instruments d’actions pour le faire vivre. Le SDRIF issu d’une très large concertation menée avec l’ensemble des collectivités et définitivement adopté par l’Assemblée régionale le 25 septembre 2008, n’a toujours pas été transmis au Conseil d’Etat et –malgré des assurances publiques – le projet de métro automatique (dit Grand huit) apparaît comme concurrent (ne serait-ce qu’au titre des financements de l’Etat) du Plan de mobilisation régional. De plus, le projet régional approuvé par les électeurs repose notamment sur la mise en œuvre du « Plan de mobilisation pour les transports » élaboré par la Région avec Paris et les conseils généraux. Approuvé par le Conseil régional le 18 juin 2009, le protocole d’intention, passé avec la Ville de Paris, l’ensemble des conseils généraux d’Ile-de-France et le STIF, représente 18 milliards d’euros d’investissement pour répondre aux principales urgences. Je vous rappelle qu’avant même son adoption par le Conseil des ministres, le projet de loi « Grand Paris » a été dénoncé par la majorité des collectivités franciliennes et Paris Métropole en ce qu’il portait atteinte, d’une part, aux compétences décentralisées en matière de transports, de logement et d’urbanisme et, d’autre part, aux conditions du débat public.

Monsieur Le Président, mes chers collègues, Vous êtes tous attachés à la place spécifique de notre Haute Assemblée. Or, comme vous le savez, en notre nom, le Président Bel vous avez adressé une lettre pour vous alerter, qu’il n’était pas admissible, en vertu de l’article 39 de la Constitution qui stipule que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat, que ce texte passe d’abord à l’Assemblée Nationale. Mais en plus le gouvernement a décidé l’urgence, nous privant d’un débat parlementaire digne de ce nom. L’urgence pour délibérer d’un projet pour « dans 20 ans », si ce n’était pas de l’avenir des Franciliens qu’il s’agit, cela prêterait à rire. Est-ce votre conception de la revalorisation du Parlement en général, et du Sénat en particulier ?

Monsieur Le Ministre, vous n’ignorez pas le vote exprimé par les franciliens il y a deux semaines à peine. Certains se sont interrogés pour connaître la part de volonté locale et la part de volonté nationale dans le scrutin. Si il y a un endroit où tout fut entremêlé, fusionné même, c’est bien en Ile de France. Mme Pécresse a tout de suite placé sa campagne sous le signe de votre projet de Loi. Mme Pécresse est ministre, 4 autres ministres l’accompagnaient sur sa liste. C’est elle qui a demandé le soutien des franciliens au projet du Président de la République, c’est le Président, qui rappelons-le n’a pas défendu ce projet devant les électeurs pour son élection en 2007, et qui en pleine campagne l’a reçu à l’Elysée pour l’assurer de son soutien. Résultat : 43 pour le Grand Paris ; 57 pour le projet de Mr Huchon qui s’oppose à ce « Grand Paris » là, qui n’a de grand que le nom, 57 % pour le projet régional de Mr Huchon, validé par les électeurs. Au final, outre le déni de démocratie qu’il constitue, l’inadaptation économique, sociale et environnementale qu’il représente et les problèmes financiers et fiscaux qu’il crée, le projet de loi Grand Paris met à mal les rapports entre Etat et collectivités territoriales en Ile-de-France et est de nature à ralentir, voire à bloquer, la mise en œuvre du projet régional. La clôture autoritaire du débat public de la rocade de métro Arc Express, infrastructure majeure pour assurer le maillage du réseau de transports francilien, figurant au projet de loi en est la plus tangible illustration.

Le vote d’une nette majorité de Franciliens, ça aussi vous ne l’écoutez pas. Voilà pourquoi je me permets de vous dire, en mesurant mes mots, votre projet de loi est illégitime, et nous vous demandons de le retirer. Si vous ne le faites pas, au moins, levez l’urgence, et donnez le temps au débat, surtout avec les collectivités locales. Car vraiment, ce « grand 8 » ressemble plutôt à un manège infernal ou à un train fantôme, avec en prime un saut à l’élastique dans le vide. Et permettez-nous  de ne même pas vous croire qu’il y a bien un élastique.