Nicolas SARKOZY mis en examen, les juges sont-ils au-dessus des politiques ?

Débat animé par Patrick Roger

Invités : David ASSOULINE, porte-parole du Parti socialiste ; Christophe REGNARD, président de l’USM ; Geoffroy DIDIER, secrétaire général adjoint de l’UMP.

Patrick ROGER :

« Il y a des accusations à la fois sur le juge et puis des accusations également du politique, c’était Laurent WAUQUIEZ qui disait tout à l’heure : je ne crois pas au hasard des calendriers ».

David ASSOULINE :

« Je trouve que depuis ce matin, il  y a une autre affaire que la simple mise en examen de Nicolas SARKOZY et qui me préoccupe peut-être plus, c’est cette mise en cause de la justice, de son indépendance et de son travail, comme s’il faut impressionner, voire faire pression. On voit monsieur WAUQUIEZ se vautrer dans une explication du complot et du complot de la justice, au moment où justement s’il veut faire le parallèle avec monsieur CAHUZAC, ce qui est prouvé aujourd’hui c’est que la justice travaille en toute indépendance et fait fi des appartenances politiques et de qui est au pouvoir. Et je crois qu’il faut calmer les choses »

« Il y a une mise en examen de Nicolas SARKOZY, mais moi je le rappelle avec force, la présomption d’innocence est là et c’est ça qu’il faut aussi dire aux citoyens quand on croit qu’une mise en examen, c’est une sentence, c’est un verdict rendu. Et il faut aujourd’hui – justement dans ce climat délétère qui existe, avec des forces politiques qui utilisent ce climat délétère – saluer le fait qu’on a une justice dans notre pays qui peut travailler en toute indépendance. Ce n’est pas au-dessus du politique, c’est à côté, c’est un contre-pouvoir, il y a le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et il faut absolument respecter cela, si l’on veut avoir une crédibilité de la politique vis-à-vis de nos concitoyens. »

« Alors je veux rappeler tout d’abord que si on doit remonter au passé de monsieur WOERTH, je me suis beaucoup exprimé à l’époque, je me suis beaucoup exprimé à l’époque et j’ai toujours rappelé – j’ai vraiment une considération pour la justice et aussi pour l’honneur des hommes – qu’une mise en examen, voire une accusation (c’est pire) par une information de presse ne vaut pas verdict. Et il faut toujours le rappeler à nos concitoyens parce qu’il y a des confusions. La première réaction du Parti socialiste hier, je l’ai faite au nom du Parti socialiste, je suis son porte-parole, et j’ai insisté sur cette présomption d’innocence. Donc il ne faut pas chercher autre chose, je veux dire que ce qui est en train de créer le plus grand trouble par rapport à cette sérénité que nous devons avoir, c’est cette chasse en meute, en clos pour dramatiser comme si l’accusation était faite, comme si le verdict était tombé. Du calme, la justice fait son travail…

Patrick ROGER :

« C’est vrai que dans une telle affaire on ne pourrait pas imaginer un secret de l’instruction, parce que c’est vrai que ça concerne un ancien chef de l’Etat. Ça c’est totalement illusoire, David ASSOULINE, ce que je dis, évidemment ? »

David ASSOULINE:

« Ce n’est pas que c’est illusoire, c’est qu’une mise en examen est une décision, et comme vous le savez, c’est effectivement le propre avocat de Nicolas SARKOZY qui l’a rendue publique, parce qu’il y a effectivement, aussi, derrière, dans cet appel de la décision, une orchestration apparemment, et je trouve qu’elle est néfaste, d’une campagne pour faire pression, et donc il fallait déjà l’annoncer pour pouvoir justifier, ensuite, cette campagne. Donc, de toute façon, on peut avoir des débats sur, la société médiatique d’aujourd’hui, la façon dont, quand un journal d’information fait son travail et ouvre une piste, c’est tout de suite considéré comme une accusation et une condamnation. Mais moi je fais la différence, et je l’ai faite, y compris quand il s’agissait de nos propres amis, c’est-à-dire nous l’avons fait pour monsieur Jérôme CAHUZAC. A partir du moment où la justice décide d’ouvrir une information judiciaire, même pas une mise en examen, nous savons, dans ce contexte, et tous les politiques doivent en tenir compte aujourd’hui, encore plus qu’hier…

Patrick ROGER:

« Dès qu’il y a soupçon. »

David ASSOULINE:

« Que son travail, en tous les cas de ministre pour ce qui était de monsieur CAHUZAC, va être entravé. Et là, aujourd’hui, le président de la République, qui jouissait d’une immunité justement, ce que n’ont pas d’ailleurs apparemment les ministres, il ne pouvait pas, à ce moment-là, rendre des comptes, aujourd’hui est un simple citoyen, doit être considéré comme tous les citoyens, c’est-à-dire présumé innocent, et je le répète en premier, et ensuite se conformer au travail des juges en ayant en plus la nécessité, justement parce qu’il était un chef d’Etat, de tout faire, de toute faire, pour que la justice soit respectée, pour que les Français aient confiance dans notre système judiciaire. Et c’est cela qui renforce la crédibilité du politique dans la situation actuelle, c’est quand le politique dit « la justice fait son travail, c’est un contre pouvoir, nous n’avons pas à interférer dessus », et ça, quand on le fait, on renforce la démocratie dans notre pays.

Patrick ROGER:

 » juges responsables ou pas, ou irresponsables, comme le disait ce matin Henri GUAINO, sur EUROPE 1. »

Davis ASSOULINE:

Très franchement, là, ce n’est ni le rôle, ce n’est pas le rôle des politiques, ni de vous, ni de moi, de juger ce qu’il y a dans le dossier d’instruction, enfin, là on commence encore à dépasser les limites. Moi, ce que je constate, parce que je regarde la trajectoire, c’est que la dernière fois, c’est-à-dire il y a plusieurs mois, Nicolas SARKOZY sort comme témoin assisté, ça veut dire qu’on a affaire à un juge qui n’a pas les éléments pour décider de mettre en examen. Si aujourd’hui il fait autrement, on peut présumer, mais je ne vais même pas porter de jugement, »

« Moi je n’ai aucun élément, mais c’est quoi avoir confiance en la justice ? C’est avoir confiance dans le fait qu’un juge, sérieux, eh bien a conscience de tout ce que dit monsieur APPARU, et qui est vrai, c’est que quand cela concerne un ancien président de la République, l’écho médiatique est puissant et qu’on ne le fait pas à la légère. Mais je trouve déjà très pernicieux et très dangereux, pour les politiques, de rentrer dans le dossier, pour juger si oui ou non, ce juge fait son travail. »