Application des lois

M. le président. – L’ordre du jour appelle un débat sur le bilan annuel de l’application des lois. Je me réjouis avec vous de ce rendez-vous annuel, désormais bien inscrit dans notre paysage institutionnel. Le Sénat fut un précurseur en la matière, puisque c’est lui qui a institué, dès 1972, un dispositif permettant aux commissions de suivre la publication des textes d’application des lois, possibilité ensuite élargie à l’ensemble des citoyens grâce à notre site internet. Ce dispositif a été modernisé et dynamisé avec la mise en place, début 2012, de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Sous la présidence active de David Assouline et en association étroite avec les commissions permanentes, la commission a déjà présenté dix rapports d’information qui trouvent leur point d’orgue avec le rapport annuel. Les binômes formés de sénateurs de la majorité et de l’opposition ont travaillé dans la perspective d’une évaluation qualitative de l’application des lois, laquelle est indispensable à la mise en oeuvre concrète des textes que nous votons.

Le débat qui s’ouvre sera riche d’enseignements, pour nous comme pour le Gouvernement. Je remercie le ministre chargé des relations avec le Parlement des réponses qu’il apportera à nos observations sur des sujets qui préoccupent légitimement nos concitoyens.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois . – Tirer un bilan annuel de l’application des lois n’a rien d’un exercice formel. C’est l’occasion d’une réflexion d’ensemble, dès lors que le Parlement ne peut plus se contenter de voter les lois. Contrôler leur application est indispensable, ne serait-ce que pour dégager les améliorations nécessaires. Contrôler plus pour légiférer mieux, tel est notre objectif.

Je remercie les commissions permanentes, le Gouvernement, notamment le ministre chargé des relations avec le Parlement et le secrétariat général du Gouvernement. À la différence des années précédentes, nous avons recoupé les chiffres avec le secrétariat général du Gouvernement. Nos résultats convergent. Le rapport couvre la période de juillet 2011 à septembre 2012, afin de mesurer l’incidence du changement de gouvernement et du début de la nouvelle législature. Entre 2007 et 2012, le gouvernement n’a mis en application que des lois venant de lui-même ou de sa propre majorité. En 2012, le nouveau gouvernement devait gérer à la fois les lois de l’ancienne majorité et les siennes propres.

Durant l’exercice 2011 et 2012, l’application des lois a été une priorité du gouvernement. Il a fait paraître, dans un délai maximum de six mois, les décrets d’application. Le taux global atteint 66 %, pourcentage supérieur à celui de la précédente majorité.

Le taux de l’an dernier était artificiel car le gouvernement Fillon avait, fort logiquement, redoublé d’efforts en fin de mandature pour appliquer les textes qu’il avait fait adopter. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a maintenu la pression. Près de 90 % des lois de la session 2011-2012 sont en application partielle ou totale. Pour la XIVe législature, près de 80 % des lois sont d’ores et déjà en application totale ou partielle.

Pour les propositions de loi, les chiffres sont à peu près les mêmes, ce qui ne fut pas toujours le cas. Le sénateur que je suis regrette que le Gouvernement se soit montré un peu plus empressé pour les lois qui viennent de l’Assemblée nationale. L’application des lois selon la procédure accélérée révèle un paradoxe : pourquoi réclamer cette urgence si les décrets d’application doivent ensuite tarder ?

La situation montre un réel mieux par rapport aux années précédentes, même si nous n’avons pas atteint les 100 %. Ce n’est pas là la perfection idéale et inatteignable par principe, ce devrait être la norme : une loi votée est faite pour être appliquée.

Pour les retards antérieurs, je suis plus prudent : il est difficile de demander au Gouvernement à mettre toute son énergie pour que des lois votées par la précédente majorité soient appliquées. L’actuel gouvernement a publié 50 textes, soit la moitié de ceux attendus, pour les lois votées entre 2007 et 2012. Pour les lois antérieures à 2007, en revanche, nous ne constatons aucun progrès significatif.

Le taux de dépôt de rapports que le Gouvernement est tenu de remettre au Parlement ne peut me satisfaire. Quand le Parlement aurait dû recevoir 500 rapports, on n’en est, malgré ses rappels incantatoires, qu’à 240. Les parlementaires demandent peut-être trop de rapports, qui ne sont pas vraiment lus et exploités.

Nous devons aussi nous interroger sur le rendement législatif des textes que nous votons. La création de la commission de contrôle de l’application des lois s’inscrit dans cette logique, elle doit faciliter le travail des commissions permanentes. C’est ainsi que nous avons évalué avant de légiférer sur l’enseignement supérieur, la semaine dernière. En mars 2013, nous avons évalué la loi sur les universités de 2008. Dans quelques jours, nous présenterons un rapport sur l’autoentreprise, ce qui permettra de mieux travailler sur ce dispositif.

Nous avons depuis 2012 publié dix rapports sur les conséquences de l’application de certaines lois, afin d’en tirer les enseignements. Beaucoup d’études d’impact se présentent comme des exposés des motifs bis. Cette procédure, sans doute importante, est encore trop mal utilisée ; les effets du futur texte doivent être évalués précisément. Le Gouvernement et les assemblées devraient faire émerger la culture du contrôle.

Je remercie les commissions permanentes, qui ont fourni un lourd travail. Je salue le climat de confiance qui a régné avec le ministre des relations avec le Parlement et le secrétariat général du Gouvernement. Dans les derniers mois du gouvernement Fillon, M. Ollier avait établi des relations très fructueuses avec notre commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – C’est vrai.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. – Je tenais à le souligner.

Cette démarche est salutaire, le chantier est ouvert et il répond aux attentes de nos concitoyens. La commission de contrôle de l’application des lois, en capitalisant sur l’expérience du Sénat, est fière d’apporter sa contribution. (Applaudissements)