Recueilli par Lilian Alemagna 5 octobre 2013 à 10:18

INTERVIEW

Le porte-parole du Parti socialiste organise ce samedi un forum intitulé «la République face aux extrémismes».

Le Parti socialiste organise ce samedi un forum à Paris intitulé «la République face aux extrémismes». Porte-parole du PS et animateur de l’événement, David Assouline demande à son parti à reprendre «la bataille idéologique» contre le Front national.

Pourquoi un forum contre «les extrémismes» et pas tout simplement contre «l’extrême droite»?

Parce qu’il y a l’extrême droite comme le Front national mais aussi l’extrême-droitisation de la droite elle-même et les extrémismes religieux qui portent les mêmes valeurs sur le fond. Il y a aussi cette tendance grandissante dans la société et le débat public du rejet de l’autre. La montée du Front national, d’une extrême droite antirépublicaine à caractère xénophobe, n’est pas le simple fruit d’une situation économique et sociale difficile. C’est aussi le résultat de nombreuses années d’abaissement moral et d’offensive de ce camp-là. Il est temps de riposter.

Marine Le Pen refuse ce qualificatif «d’extrême droite» et considère qu’il s’agit d’une «bavure intellectuelle»…

Elle a compris qu’il s’agissait d’une bataille idéologique! La banalisation qu’elle essaie d’imprimer par le style, une certaine modification de la façade et de l’apparence de son parti  — dont elle a gardé pourtant le nom — est un poison. Il faut la ramener à ce qu’elle est. Démontrer au quotidien qu’il s’agit du même courant politique, de la même lignée et de la même histoire que ces mouvements d’extrême droite, antirépublicains qu’a pu connaître notre pays dans son histoire: comme ses ancêtres elle se dit «sociale», étatiste, soi-disant contre la finance et en même temps, elle distille un discours nationaliste, xénophobe, en pointant l’étranger comme l’ennemi de l’intérieur. De ce point de vue, Jean-Marie Le Pen, aligné sur des thèses économiques très libérales, a été une parenthèse dans l’histoire de ce courant politique. Marine Le Pen renoue avec l’extrême droite des années 1930, celle qui veut le pouvoir. Ne se dit-elle pas elle-même «sociale» et «nationaliste»?

Durant la campagne présidentielle, on a plus entendu le Front de gauche que le PS dans cette lutte contre le FN. Pourquoi ce changement de pied?

C’est faux de dire que nous avons négligé ce combat. Dans cette campagne, l’enjeu était entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Lequel s’est laissé aller: c’est ce qui a crédibilisé le FN et qui fait la force aujourd’hui de Marine Le Pen. On a combattu et dénoncé cet «affranchissement» de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, ce courant extrémiste se développe dans toute l’Europe. La réponse économique et sociale est nécessaire mais ne suffit pas. Il faut endiguer un phénomène culturel et idéologique. Regardez le score des partis extrémistes en Norvège et en Autriche: ce ne sont pourtant pas des pays frappés par le chômage.

Mais comment, concrètement, le PS compte répondre?

D’abord par ce que le gouvernement fait tous les jours pour améliorer la situation économique et sociale du pays. Mais aussi en acceptant la bagarre sur les valeurs. Il faut, avec fierté et pédagogie, ne rien céder aux extrémismes. Défendre pied à pied les valeurs de notre République dans une bataille culturelle qu’il nous faut assumer. Dans quelques jours, nous publierons un document pour démonter le programme du FN. Nous allons montrer comment chacune de ses propositions mène au chaos social et met en danger la paix civile. Nos militants iront faire du porte-à-porte. On va les former. Nous avons peut-être été trop timides.

Lorsqu’un des vôtres, qui plus est ministre de l’Intérieur, considère qu’une minorité de roms peut s’intégrer que cette population à «vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie», le PS ne s’affaibli-t-il pas dans cette bataille?

Cette interprétation de ses propos a fait la polémique. Notre forum est dirigé contre les anti-républicains, et tous les ministres de ce gouvernement sont républicains. La ligne des socialistes est claire: la circulaire d’août 2012 qui s’attaque aux campements illicites, qui ne stigmatise aucune communauté et rappelle les engagements de l’Etat pour l’intégration. Intégration et respect de la loi, c’est notre ligne.

Dans les «extrémismes», vous visez aussi l’extrême gauche?

Non. Il n’y a aucune contestation de la République et de ses valeurs fondamentales du côté du Parti communiste ou bien de Jean-Luc Mélenchon. Même si ce dernier se laisse parfois aller à des diatribes démagogiques pas toujours très claires. Mais je sais reconnaître une lignée politique qui s’est battue aux côtés du Général de Gaulle pour libérer la France et a construit le socle républicain du contrat social issu de la Seconde guerre mondiale. Le parallélisme qui est fait aujourd’hui entre le FN et le Front de gauche est une facilité intellectuelle, un abandon de sens.

Certains de vos camarades disent que mettre Marine le Pen au centre du jeu n’est pas la bonne manière de la combattre…

Mais elle est déjà au centre! Assumons la confrontation avec elle. Donnons la parole à ceux qui, au quotidien, même dans la difficulté sociale ne se laissent pas aller au rejet de l’autre, ils sont majoritaires et on ne parle que des autres pour les excuser. On peut toujours faire l’autruche. Mais demain, on risque de se réveiller avec la gueule de bois.

Recueilli par Lilian Alemagna